Agricultrices, rendez-vous dans 20 ans…
Discours de Geneviève Dupont-Ligny, Présidente nationale UAW
L’UAW a rencontré Sol et Civilisation lors d’un voyage découverte de coopératives en France en mai 2017.
Ce voyage organisé par le CSA, nous a permis de découvrir le travail d’accompagnement de S&C pour la coopérative de Figeac qui avait amené une réflexion de fond sur les enjeux des relations agriculture – territoire et agriculture – société.
Sujet préoccupant, qui interpelle les agricultrices wallonnes, car elles s’interrogent sur leur avenir et sur les relations agriculture – société.
Les agricultrices du Hainaut ont été les pionnières en collaborant avec S&C pour leur journée provinciale du 5 septembre 2017, intitulée « Femmes agricultrices, rendez-vous dans 20 ans ! » Elles ont réfléchi ensemble à la place des agricultrices et des femmes rurales dans le devenir de nos campagnes et de notre mouvement. Grâce à l’organisation d’un Forum Ouvert, les agricultrices présentes ont formé 22 ateliers de discussion, avec des sujets qu’elles avaient choisis.
Ce chantier a été révélateur d’un véritable souhait de préparer, dès aujourd’hui, le futur que les agricultrices souhaitent, et d’en être les actrices !
Toujours active à porter les combats agricoles, ruraux, et sociétaux d’aujourd’hui et de demain, et forte de ceux qu’elle a mené hier, l’UAW a conduit en 2018 une réflexion sur la situation actuelle et a défini les visions d’avenir de l’agriculture wallonne pour les 20 prochaines années.
En partenariat avec le CSA et S&C, l’UAW a ainsi mobilisé un ensemble d’acteurs dans une démarche de prospective.
Première étape : un audit d’éclairage
La première étape de cette démarche a été la réalisation d’un audit d’éclairage intitulé « Conditions et moyens d’une meilleure qualité des relations agriculture-société-territoire en Wallonie. Quels rôles et stratégies pour les agricultrices et les femmes rurales ? ». Cet audit a donc réuni 17 acteurs concernés par le sujet lors d’entretiens individuels et confidentiels.
Je remercie d’ailleurs tous les acteurs pour leur participation à ce travail collectif comprenant des agriculteurs, le monde de la recherche, des représentants du monde politique, des enseignants d’écoles d’agronomie, des organisations professionnelles agricoles, des partenaires bancaires et de la filière, ainsi que des ONG environnementales. Je remercie tout particulièrement : le Service d’études de la FWA, le Centre de Gestion Technique Agricole, Agricall, Inter Environnement Wallonie, le Ministère régional de l’agriculture, la Fevia, Crelan, le Boerenbond, la FJA, l’Université de Gembloux Agro-Bio Tech, l’Ecole Provinciale d’Agronomie et des Siences de Ciney et Test Achat.
Deuxième étape : construction de scénarios
La deuxième étape de la démarche a été la construction de 4 scénarios d’évolution possible de la relation agriculture - société - territoire en Wallonie à l’horizon des 20 prochaines années, à travers 4 ateliers réunissant un groupe de travail composé d’acteurs collaborant avec le secteur agricole : l’Université catholique de Louvain, Natagriwall, Haute école de la Reid, Service d’études de la FWA, l’APAQ-W, le CRA-w, Test achat, la FJA.
La troisième étape de la démarche a alors été, à partir de ces scénarios, de tirer les enseignements stratégiques de la prospective à travers 3 ateliers réunissant un groupe de travail interne à l’UAW composé d’agricultrices.
Nous avons toutes ensembles définis :
- Tout d’abord la « raison d’être » de l’UAW ;
- Ensuite, 4 valeurs importantes de notre mouvement ;
- Et pour terminer, les 3 grands défis se présentant à l’agriculture familiale wallonne, et plus spécifiquement à l’UAW.
En ce qui concerne la raison d’être de l’UAW, celle-ci est définie comme suit :
« L’UAW est un lieu d’accueil et un mouvement de défense des intérêts des familles agricoles.
Sa raison d’être est de fédérer les agricultrices wallonnes et de soutenir nos agricultures familiales afin qu’elles coopèrent à une société durable et solidaire »
Troisième étape : Les valeurs de l’UAW
Pour vous présenter les 4 valeurs importantes pour notre mouvement, fruit du travail réalisé avec Sol et Civilisation, le CSA et le groupe d’agricultrices de l’UAW dans le cadre de notre projet « Agricultrices, que serons-nous dans 20 ans ? », j’invite 2 agricultrices qui ont participé au groupe de travail visant l’élaboration de celles-ci, Bernadette Vromman et Florence Graindorge :
Nous affirmons que la solidarité et la coopération sont des marqueurs de notre identité. Ils traduisent l’esprit de famille, le sens du collectif et du partage, l’importance accordée à l’écoute et au soutien qui nous animent depuis toujours. Ils rendent compte du sens de notre métier qui s’exprime au-delà de notre mission première alimentaire. Chacun et ensemble, nous prenons soin de la nature, nous faisons partager le plaisir de goûter et de découvrir, nous contribuons à une économie responsable et solidaire, nous sommes animés par la passion du vivant. Nous croyons que par la coopération entre agriculteurs et avec la société l’agriculture wallonne sera plus forte.
Le professionnalisme dans nos engagements nous caractérise. La pratique de nos métiers mobilise des savoirs, des savoir-faire et des savoir-être de pointe dans des domaines très divers. Il requiert des services et des conseils de haut niveau auquel notre collectif travaille pour répondre au plus près de l’actualité et des besoins de nos membres. L’investissement de chacun est guidé par l’exigence et la qualité du travail fourni dans son exploitation comme au sein du mouvement. Nous sommes tournés vers la recherche d’efficacité dans nos démarches et nos combats au service des adhérents.
Nous assumons le respect de la différence comme une valeur fondamentale qui nous permet d’accueillir et de fédérer l’immense diversité des métiers et des projets que mènent les femmes et les hommes qui font l’agriculture familiale wallonne aujourd’hui. Ce respect mutuel nous aide à conduire l’ouverture constructive et positive de l’agriculture familiale à toutes ses parties prenantes. C’est avec cet état d’esprit que nous serons des partenaires reconnus des transitions de notre société.
C’est notre audace qui nous conduit chaque jour à faire progresser toutes les agricultures familiales wallonnes en assumant la complexité et la diversité de nos métiers. Mêlée à la liberté d’entreprendre que nous revendiquons, elle nous aide à transformer les problèmes, les tensions, les controverses et les clivages en opportunité pour être innovant et accompagner les agricultrices, les agriculteurs et les familles agricoles vers des projets gratifiants et valorisants. Et nous avons l’audace de penser que les agriculteurs sont depuis toujours et peuvent être demain encore des acteurs clefs des équilibres de société en Wallonie.
Quatrième étapes : les défis de l’agriculture familiale et de l’UAW
Nous avons parlé de la raison d’être et de nos valeurs. J’aimerais maintenant poursuivre avec les 3 grands défis se présentant à l’agriculture familiale wallonne, et plus spécifiquement à l’UAW.
Le premier défi est de Continuer nos combats syndicaux pour défendre l’agriculture familiale et faire entendre la voix des femmes en partenariat et dans une meilleure complémentarité avec la FWA et la FJA.
L’UAW est reconnue comme Organisation Professionnelle Agricole (OPA), c’est un atout majeur pour défendre les agricultrices. Pour rappel, sur proposition du Ministre de l’Agriculture, René Collin, le gouvernement wallon a reconnu le 27 septembre 2018, l’UAW comme Organisation professionnelle.
Cette reconnaissance s’inscrit dans le cadre du Code Wallon de l’Agriculture. Elle permet d’assurer à long terme son implication dans le processus décisionnel et de concertation de la Politique Agricole wallonne.
Le travail des agriculteurs est facilité par la collaboration que l’UAW a la chance d’avoir avec les différents services de la Maison de la Ruralité : SEIT, CGTA, FiscaliFWA, ACW.
Aussi, l’image de l’UAW vis-à-vis du monde extérieur a toujours été avant-gardiste.
En effet, les femmes ont un pouvoir singulier pour faire avancer l’agriculture : appréhender plusieurs dimensions en même temps, anticiper, avoir une vision à long terme et tendre la main.
Nous pouvons affirmer que nous sommes dans l’ère du temps : un mouvement de femmes est très tendance, sexy mais pas sexiste, ce qui nous valorise dans les négociations avec les hommes.
J’ajouterais que nous avons une approche positive des relations agriculture et société.
Je veux dire par là que face à des situations compliquées, les agricultrices proposent des solutions, s’adaptent ou trouvent des compromis plutôt que de casser le dialogue ; construire au lieu de détruire. C’est la fibre maternelle qui parle et qui est une force incomparable.
À côté du succès, il y a quand même quelques failles : la dimension familiale de l’agriculture wallonne qui diminue…
Historiquement, les exploitations se transmettaient de père en fils. Actuellement, beaucoup déclarent ne pas avoir de repreneur ; pour certains, il s’agit de la fin de l’agriculture familiale.
Or nous voyons l’installation des jeunes familles agricoles ainsi que des nouveaux agriculteurs (non issus de familles agricoles), ce sont d’excellentes initiatives. Les jeunes ont des projets innovants tenant compte des enjeux environnementaux et surtout apportent une belle diversité de profils agricoles.
Je souhaite mettre en avant le fait que les jeunes agriculteurs ont tendance à privilégier la collaboration. Nous savons que c’est un plus !
Le partage d’expérience entre pairs est une des formes de collaboration informelle qui se développe bien, qui permet d’aller plus loin ensemble, et démontre un nouvel élan de solidarité, gage de préservation de notre agriculture.
Nous collaborons dans nos familles au quotidien, cette collaboration est la clé du succès de demain.
Je pense d’ailleurs que les femmes jouent un rôle important dans la transmission des exploitations, elles sont le trait d’union entre les différentes générations. Elles contribuent à entretenir, maintenir le dialogue lors des discussions intra-familiales.
Passons maintenant au Second défi qui a pour but de Dynamiser et rajeunir notre réseau en accompagnant les femmes à entreprendre et à devenir actrices de leur destin
Notre objectif principal est de renouveler l’effectif féminin du mouvement. Il y a des jeunes femmes, aux talents cachés, que nous mettons en lumière. L’initiative « jeunes pousses » et le groupe de travail des jeunes agricultrices sont de beaux exemples d’intégration.
Dès qu’elles ont mis le pied dans le mouvement, elles y découvrent l’intérêt de s’investir pour la défense du métier, mais aussi de développer des contacts humains et de s’enrichir socialement et intellectuellement.
Nous aimons mettre en valeur nos jeunes agricultrices dès que l’occasion se présente. Par exemple, sa majesté la Reine Mathilde a notamment rencontré 2 jeunes agricultrices en 2017.
Nous avons aussi eu la chance d’avoir 2 agricultrices élues comme ambassadrices dans le cadre du 50ème anniversaire du statut de l’indépendant organisé par l’INASTI, une dizaine d’entre elles a également eu l’opportunité de rencontrer Monsieur le Ministre Collin et d’évoquer avec lui les sujets qui les préoccupent…
J’en profite pour vous informer que le nouveau Bureau de l’UAW s’est enrichi de 6 nouvelles agricultrices sur 9.
Pour accueillir de nouvelles agricultrices, nous créerons de nouvelles activités en lien avec leurs attentes, dans un cadre moderne, style « new look » !
Nous leur offrirons des formations d’excellence avec des partenaires de qualité, des cours de management, de psychologie des consommateurs, etc. Il est impératif de comprendre la société dans laquelle nous vivons, ne pas s’opposer à celle-ci, et avoir un discours mobilisateur qui donne envie de collaborer à ce monde nouveau dont nous avons besoin.
Je souhaite créer avec mes membres un sentiment collectif fort, susciter la fierté d’appartenir au groupe UAW, construire la même histoire, l’histoire de nos agricultures.
Nous forgeons notre destin sur nos multiples compétences.
J’arrive maintenant au troisième défi qui vise à Valoriser nos acquis et faire évoluer notre réseau d’agricultrices et de femmes rurales vers un mouvement d’ouverture et de traitement des enjeux agriculture et société
Nous devons faire émerger les conditions d’un dialogue constructif autour de l’agriculture familiale wallonne.
En effet, l’UAW a pour grande tradition de partager, rencontrer, expliquer le travail des agricultrices notamment lors d’événements de rencontre du grand public comme les Fermes en ville, les journées fermes ouvertes, la Ferme Enchantée de la Foire de Libramont ; mais aussi dans leur travail quotidien dans le cadre de leurs fermes pédagogiques ou lors de la vente directe à la ferme.
Le lien entre l’exploitation et le monde qui l’entoure est souvent assuré par les femmes.
Aujourd’hui, nous assistons à une perte de lien entre les consommateurs, les citoyens et les agriculteurs. Nous devons donc leur tendre la main et continuer à communiquer mieux et plus sur les réalités du métier d’agriculteur, sur nos pratiques et sur nos produits.
Nous devons aller à la rencontre des consommateurs pour leur re-donner confiance en l’agriculture wallonne. Nous sommes fiers de ce que nous produisons et nous devons le montrer !
Un point que j’aimerais mettre en avant, c’est le climat. Aujourd’hui, les jeunes se préoccupent de l’avenir de la planète et des conséquences du réchauffement climatique, les agriculteurs aussi s’en préoccupent ! Comme toute action, l’agriculture émet des gaz à effet de serre, nous somme à la fois cause, victime, mais nous faisons également partie des solutions pour lutter contre le réchauffement climatique.
En 30 ans, l’agriculture wallonne a diminué de 20% ses émissions de gaz à effet de serre ; alors que par exemple les émissions des transports ont augmenté de 30%.
Par rapport à cette préoccupation climatique, nous avons pris l’initiative d’inviter à la Maison de la Ruralité durant les vacances de Pâques, des adolescents participant aux manifestations pour le climat pour débattre sur l’agriculture wallonne. Ils visiteront des fermes pour prendre conscience de la réalité du terrain et termineront par le CRA-w (Gembloux) afin de dialoguer avec le monde de la recherche agronomique.
En conclusion
Je voudrais terminer sur le fait qu’aujourd’hui, nous avons fait un arrêt sur image après 50 ans de travail collectif.
Nous avons défini nos valeurs, et nous allons les faire vivre !
Nous répondrons aux défis identifiés et nous poursuivrons le travail avec toutes les agricultrices de l’UAW.
La redéfinition de la vision de l’UAW est l’aboutissement d’un travail de plusieurs mois, mais est surtout le lancement d’une nouvelle phase ! Un nouveau chantier s’ouvre à l’UAW : les priorités stratégiques seront déclinées en actions concrètes.
Le Bureau et les provinces s’approprieront la démarche.
Vu le taux de renouvellement important des femmes élues au niveau national et provincial, cette dynamique de réflexion sur les priorités stratégiques sera très motivante et porteuse pour démarrer le mandat des élues.