Digitalise-moi ! (partie 3)

Pour certaines personnes le virtuel reste …virtuel . Car nous sommes des gens de la terre, qui avons besoin de concret. Aussi, nous avions invités lors du congrès UAW deux agriculteurs qui utilisent certaines applications au sein de leur ferme , en fonction de leurs spéculations. Ils ont tous les deux reçu « une boite à outils » lors de formations et nous montrent quels outils ils utilisent et comment.

Retour sur ce congrès pour le dernier chapitre

 

Caroline et Guillaume sont tous deux agriculteurs, et sont membres de Waldigifarm (voir les pages UAW d’avril), ils utilisent tous deux le numérique au quotidien

Guillaume travaille en association avec son père sur deux site (Assesse et Bas-Oha), ce qui implique une ferme assez diversifiée, une partie sera axée sur la spéculation grandes cultures et l’autre sur la spéculation élevage (viandeux). La ferme d’Assesse est convertie en Bio en 2014 avec l’introduction de poulets de chair (coq des prés) et le site est maintenant 100% bio.

Caroline, dont la ferme est basée dans la province de Liège, est en association avec son frère et en association avec son mari sur la ferme familiale basée dans le namurois, limite Brabant Wallon. Les deux fermes sont assez semblables , on part sur des grandes cultures (légumes et pommes de terre). Les trois associés sont agronomes de formation et les reprises datent de 2010, 2015 et 2016. Ce sont des moments qui ont permis , à tous les trois, de réfléchir et ainsi réorienter certains petits détails car les exploitations étaient à la base saines et bien menées. Ceci leur a permis de prendre quelques risques afin de répondre aux attentes sociétales. Trois éléments ont permis de relever ces challenges :

La reconversion vers le bio , et ce de façon progressive afin de maitriser cette manière de travailler.

Certaines de ces productions bio sont stockées, lavées et commercialisées par leurs soins via la création d’une coopérative qui s’appelle BelgoBio

L’utilisation de certains outils numériques plus novateurs. Certains de ces outils ont été testés et abandonnés et d’autres sont toujours utilisés actuellement.

 

Le numérique n’est-il pas plus répandu qu’on ne le croit dans les exploitations agricoles ?

Grâce au développement rapide des smartphones, le numérique a en effet pris une place non négligeable. De plus, il y a multitudes d’applications spécifiques pour l’agriculture telles que Rendac, Cerise ou AWE Smart pour la spéculation élevage.

En ce qui concerne la spéculation grandes cultures, nous le savons tous et toutes, c’est la couleur du ciel qui nous dirige ! Outre le pluviomètre installé sur sa terrasse, il existe une multitude d’informations sur internet ou via des applications que beaucoup d’agriculteurs utilisent déjà au quotidien sur son smartphone.

Le numérique c’est parfois aussi des applications très facile et gratuites.

Il existe aussi des pluvio connectés : facile quand les parcelles sont situées loin du siège d’exploitation. Nous pouvons ainsi savoir la pluviométrie mais aussi la vitesse du vent, il est donc facile de programmer ainsi les différents travaux à effectuer sur les champs et ainsi ne pas devoir se déplacer inutilement.

Au niveau du matériel connecté, nous pouvons avoir sur les tracteurs :

  • L’autoguidage qui permet en effet de faire de belles lignes dans les champs mais pas seulement. Les signaux satellites sont transférés vers le GPS du tracteur, ce qui est gratuit. SI on souhaite augmenter la précision de son travail, via un abonnement ,on peut travailler via un système radio d’antenne terrestre car comme les satellites bougent par rapport à la terre (qui tourne eh oui !), le relais terrestre permet une plus haute précision qui est de l’ordre de 2 cm.  Ce système permet d’éviter les redoublements et donc de rationnaliser mieux les intrants. Cela a permis de mettre en place de nouvelles techniques de désherbage mécanique mais aussi un gain en temps, en travail.

Ce système est simple à utiliser, et comme on dit l’essayer, c’est l’adopter. Dans la ferme de Guillaume , on l’utilise pour une multitude de travaux dans les champs : pour le déchaumage…

Le système est intégré au tracteur, on encode la terre, la culture qui y sera implantée et le travail fait et l’encodage est instantané vers l’ordinateur. Cela pourrait donc amener à une simplification administrative.

  • La bineuse aussi pourra être connectée. L’interface entre la bineuse et le tracteur : elle est actionnée par un vérin qui est, lui, commandé via un ordinateur qui reçoit les images d’une caméra. Cette caméra visualise la culture et guide la machine, ce qui permet de travailler au plus près de la ligne cultivée sans abimer celle-ci. Le désherbage sera ainsi hyper précis. On n’a pas besoin de travailler avec des engins de grandes dimensions. Donc dans ce cas, ce système est accessible pour les fermes de taille moyenne.
  • Le désherbeur solaire se déplace aussi via les satellites. Il permet aux ouvriers de désherber entre les pousses de carottes par exemple. Car seul, l’œil humain peut détecter les adventices à cet endroit dans ces types de cultures et le désherbeur solaire leur permet un confort de travail plus grand, grâce au fait que ce désherbeur étant autonome grâce à son panneau solaire , peut tourner tout au long de la journée même s’il fait nuageux et sans tracteur pour le tirer.
  • Pour l’irrigation aussi, le numérique peut aider. Le système classique, ce sont des enrouleurs qu’il faut déplacer régulièrement. Quand les parcelles le permettent, un irrigateur en pivot et connecté est l’idéal. Ces machines sont souvent visibles en France. On peut guider cette rampe et dicter ce qu’elle doit faire à distance grâce au smartphone. En temps réel on sait voir exactement la position du pivot, on sait décider la quantité d’eau à amener, on sait l’arrêter. Tous cela est dicté par des tensiomètres placés au niveau de la parcelle et traduisent le stress hydrique des plantes et qui disent (via le smartphone) la quantité d’eau nécessaire en fonction de la saison, du stade de la culture. Ce type de diffuseur permet à l’eau d’arriver sous forme de petite pluie fine et donc en terme de gestion de l’eau, c’est vraiment optimal.
  • Verris, est un outil que l’on peut utiliser en partenariat avec Agrigeer, une coopérative d’agriculteurs. Verris permet de scanner le sol pour mesurer différents paramètres :
    • L’électro conductivité : mesure du passage du courant à travers le sol et elle est corrélée à la structure et la texture du sol
    • Le PH 
    • La matière organique du sol

Tout cela va permettre la modulation de chaux. D’autres mesures sur d’autres intrants ont été faites mais c’est la seule que Caroline garde sur sa ferme car c’est la seule pour le moment où l’investissement en temps et en énergie était moindre.

 

En agriculture , on le sait, le volet communication est important, quels moyens numériques avez-vous mis en place et vers quel public et pour communiquer sur quoi ?

Caroline estime que c’est le volet qui prend de plus en plus d’importance. IL y a deux types de communications : la communication interne au sein de nos exploitations et ensuite la communication externe. Ce sont deux volets totalement différents et pour les deux, il y a plein d’applications possibles à utiliser.

Pour la communication interne, le plus simple est le WhatsApp. Les groupes de conversation sont très faciles à mettre en place et à utiliser avec ses collaborateurs, on voit si la personne a lu l’info. De plus, c’est du direct, tout le monde a l’info en même temps.

Dans un autre type de communication , il s’agit de la gestion d’informations : l’application Geofolia permet en un seul encodage de tout gérer. Sur base de cet encodage, on peut générer tout : que ce soit la traçabilité, que ce soit lors d’un contrôle on sait ressortir toutes les infos nécessaires, que ce soit quand on va compléter sa PAC, il s’agit d’une centralisation de données : tout a un seul endroit

De plus, s’il y a plusieurs intervenants, il y a plusieurs accès possibles et donc non seulement l’info est regroupée en un seul endroit mais elle est disponible pour tous.

Pour la communication externe, qui parait plus ludique mais c’est important aujourd’hui de faire connaitre le métier d’agriculteur ce qui permet de redorer notre image. La façon la plus facile dans ce cas est la page FB. Cela permet aussi de faire la publicité pour la commercialisation des produits si la ferme fait de la vente directe via Fb, messenger, instagram,

Pour la vente en circuit court, il existe une multitude d’applications que l’on va utiliser en fonction de ses affinités. Dans le cas de Guillaume, il vend du poulet (entiers ou morceaux) et du bœuf, et pour cela il utilise « Google Form », facile à utiliser et gratuit. Au début, cela prend un peu de temps car il faut créer son formulaire mais ce qui est intéressant dans le cas de Guillaume, c’est qu’il s’agit de commandes et donc les clients peuvent envoyer leurs désidératas, et le programme calcule et utilise un tableur par sorte de produits. Il y a un classement par sortes de produits et aussi par client. Cela permet de ne rien oublier et de bien organiser son travail. De plus, autres avantages pour le client, les commandes peuvent être passées 24H/24 et dès que la commande est passée, ils reçoivent une réponse automatique.

En conclusion ?

Caroline et Guillaume ont été invités à tirer les conclusions de cette matinée enrichissante.

Les différents outils apportent des avantages et des inconvénients et il y a encore beaucoup de chemin à faire. Mais on ne franchit le cap technologique que quand il nous simplifie la vie.

Les bonnes solutions numériques diffèrent d’une ferme à l’autre.

Les aspects économiques , sociaux, environnementaux qui permettent à nos fermes d’être durables sont importants mais on finit toujours par trouver des solutions que ce soit de mutualisation ou autre…Par contre, si c’est pour nous apporter plus de confort au quotidien, si cela nous simplifie la vie, si cela simplifie le travail, si cela diminue les risques, si cela permet de mieux gérer différentes choses au sein de l’exploitation, dans ce cas, on franchit le cap.

Si on prend un peu de recul par rapport à notre métier, à notre quotidien, finalement au niveau durabilité de notre métier, cela nous apporte beaucoup de choses bénéfiques :

Au niveau environnemental, on l’a vu , que ce soit pour la gestion et de l’apport des intrants, il y a beaucoup de possibilités, que ce soit au niveau de la gestion de l’eau également. L’empreinte écologique, via le désherbeur solaire est réduite à son minimum.

Au niveau économique, cela a un certain coût mais qui peut être compensé par des achats groupés. Mais de nombreuses applications sont également gratuites

Au niveau social, l’utilisation du numérique nous apporte un gain de temps non négligeable (ne plus avoir à se déplacer inutilement), il nous apporte aussi un moyen de communication adapté, que ce soit en interne ou en externe. Et un point important , c’est également le confort de l’agriculteur par la conduite gps, moins de trajets, la gestion de l’irrigation à distance, et aussi le confort psychologique d’avoir un métier dont l’image est un peu redorée grâce à la communication positive via les réseaux.

Nous sommes au début de cette transition numérique, il n’est absolument pas trop tard pour prendre le train en marche. On est sûr que ce numérique fera partie de l’agriculture de demain. Ce qui est important, c’est d’en discuter avec son concessionnaire, avec son vétérinaire, avec les différents techniciens qui viennent à la ferme pour partager de solutions qui sont pertinentes pour sa ferme car elles sont toutes différentes.

Ce qui est important également est de ne pas réinvestir, changer de tracteur uniquement pour avoir le guidage ou la connexion téléphone. Maintenant, dans le cadre de rachat de nouveau matériel, même si on n’est pas encore vraiment un grand utilisateur du numérique, il serait intéressant, étant donné que l’on achète du matériel pour plusieurs années, de bien s’informer et de ne pas avoir peur à investir dans ces technologies car cela fera partie de la vie de demain.

Ce sont des nouvelles technologies auxquelles il faut s’intéresser et cela va venir petit à petit puisque le numérique fera partie de l’agriculture de demain. Les prix se démocratiseront en fonction de l’offre et de la demande.

Chacun y trouvera ses propres applications en fonction de ses affinités et de son exploitation, ses spéculations.

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