Le 18 novembre dernier avait lieu la Journée d’étude provinciale des agricultrices de la province de Namur, celles-ci avaient décidé de développer le sujet de la communication et de l’entente avec les citoyens et comment l’entretenir.

Après le mot d’accueil d’Agnès Gauthier, Présidente de la section locale de Gembloux-Namur Nord-Fosses, la Présidente Provinciale UAW Namur, Véronique Janssens, a introduit la journée d’étude en nous présentant les projets de communication déjà mis en place par les agriculteurs et les agricultrices. Elle nous a ainsi rappelé la mise en place de bâches dans les champs, la participation aux Journées Fermes Ouvertes (JFO) ou aux Fermes en ville, la réalisation des panneaux « Chartes du promeneur » de l’UAW ou encore la gestion de la page Facebook « Agricultrices 4.0 » qui vise à parler de l’agriculture de manière positive et transparente.

Nous avons ensuite fait appel à Marc Mormont, Professeur honoraire aux Universités de Luxembourg,  Liège, Gembloux et de Caen, Sociologue spécialisé dans la transaction sociale et les transformations de l’espace rural, pour mieux comprendre les mécanismes à l’œuvre dans notre communication avec les citoyens.

Son exposé était suivi par celui de Mathieu Perin, Bourgmestre des Bons Villers, qui nous a présenté les initiatives mises en place dans sa commune.

La communication, une affaire de chacun… : Comment la comprendre, comment la rétablir ?

 

  • Qu’est-ce qui a changé ces dernières années ?

On a observé un exode rural, de la campagne vers les villes, et puis le phénomène inverse, un exode urbain, lorsqu’il a été possible de vivre à la campagne tout en travaillant en ville.

En simplifiant fortement, on pourrait dire que certains viennent chercher le calme à la campagne et d’autres les relations de voisinage. Ces attentes ne correspondent pas toujours à la réalité, ce qui crée des malentendus voire des conflits. En effet, il y a de plus en plus de « néoruraux », c’est-à-dire qui habitent à la campagne mais n’y sont pas nés. Et les agriculteurs ne sont plus qu’une petite minorité des habitants des campagnes.

Le temps où les agriculteurs et les autres habitants des campagnes partageaient une histoire commune est révolu. Cela marche dans les deux sens, les agriculteurs sont également déconnectés des consommateurs lorsqu’ils vendent la majeur partie de leur production à l’industrie agro-alimentaire. Ce phénomène de déconnexion n’est cependant pas propre aux campagnes, il existe dans de nombreux secteurs. Dans les « trente glorieuses », les gens partageaient la même conception de ce qui se passait, comme par exemple la modernisation ; c’était une force à cette époque. Aujourd’hui, on manque d’une histoire commune, la seule que l’on partage c’est la peur, et ce dans tous les domaines de la société. Cela provoque un repli sur soi, l’adoption d’un mode de survie pour répondre à des peurs plus ou moins légitimes (Covid-19, changements climatiques, etc).

 

  • Comment rétablir la communication ?

Concernant la communication en tant que telle, il faut faire très attention à la différence entre ce qu’on dit et ce qu’on veut dire. Le message perçu ne correspond pas toujours à ce qu’on voulait faire passer. Il faut également déconstruire l’idée que l’on peut tout dire. Par ailleurs, l’image de l’agriculture reste finalement assez positive dans l’imaginaire de l’opinion publique. Ce mythe peut également être un piège lorsqu’il ne correspond pas à la réalité et que les citoyens voient ce que les agriculteurs et agricultrices font réellement. Le milieu agricole doit quant à lui faire face au mythe de la croissance perpétuelle et celui de la technique, de la technologie. Ces deux croyances entrent en collision et renforcent le sentiment d’incompréhension.

Pour répondre à ce défi, voici quelques propositions :

  1. ÉCOUTER les préoccupations de la société (environnement, bien-être animal, …) et COMPRENDRE les attentes des citoyens
  2. NE PAS SE REPLIER SUR SOI ET SES CERTITUDES. Affirmer « l’agriculture est propre ! », revient à dire « il n’y a pas de discussion possible » ; déclarer « Nous vous nourrissons » c’est dire «  je suis supérieur à vous, consommateurs ». Il ne faut donc pas être arrogant, ni se présenter comme des êtres parfaits mais plutôt comme des gens qui ont des problèmes, comme tout le monde, et qui essayent de les résoudre. On peut alors être fier de son métier sans nier les inconvénients.

Pour cela, il faut faire entrer les citoyens dans les fermes, comme pendant les fermes ouvertes, créer des lieux de discussion entre agriculteurs et consommateurs. Il est vraiment primordial de prendre soin de comprendre comment votre message est reçu.

Monsieur Mormont est également d’avis que les agriculteurs doivent prendre leurs distances avec l’agribusiness et éviter la mauvaise presse due aux produits finis considérés comme étant de « mauvaise qualité » par certains citoyens et dont la responsabilité revient à l’industrie et non aux agriculteurs, qui fournissent la matière première brute.

En conclusion, il faut, d’une part, bien réfléchir à la différence entre ce qu’on dit et ce que l’autre comprend, et, d’autre part, que les fermes deviennent, du moins à certains moments, des lieux publics, où l’on peut échanger.

 

  • Exemples concrets…

Mathieu Perin, 37 ans, Bourgmestre des Bons Villers depuis 2018 et ancien chef de Cabinet du Ministre René Collin, est venu nous parler de son expérience de terrain.

Les Bons Villers est une commune rurale composée de 5 villages. Elle se situe sur un nœud autoroutier, elle est donc bien desservie et attire beaucoup de nouveaux habitants. Cela en fait également une commune privilégiée en termes de revenus. Chaque année, les Bons Villers compte environ 600 « nouveaux » habitants dont la moitié habitait déjà la commune et l’autre moitié vient des villes. C’est également une commune dont la majorité des surfaces sont agricoles. Cela mène à beaucoup d’intolérance de part et d’autre ; certains néo-ruraux n’aiment pas la chasse, par exemple, tandis que certains agriculteurs ne supportent pas d’être stigmatisés.

La première année de son mandat a été assez difficile et Mathieu Perin recevait toutes sortes de mails de plaintes de ses habitants, en voici un aperçu :

Citoyens : Chant du coq qui fait trop de bruit, Routes sales, Ballet des moissonneuses en été, Poids des machines agricoles et nids de poule...

Agriculteurs : Chicanes qui empêchent les engins agricoles de passer, Arbres mal taillés qui touchent les cabines, Gens qui marchent dans les champs; Glanage/maraudage, Stigmatisation quand sortent le pulvérisateur

Bref, cela devenait insupportable à gérer au quotidien alors il a pris des mesures : la commune a rédigé un « Guide de Bonne Entente Rurale », qui a été distribué dans toutes les boîtes et qui est offert à chaque nouvel arrivant. Ce type de guide existait déjà ailleurs, ils n’ont rien inventé. Il a été rédigé avec l’aide de la société civile et reprend les droits et les devoirs des agriculteurs et des citoyens. Il explique également ce qu’est le métier d’agriculteurs/rices, qu’ils et elles dépendent des saisons et doivent parfois travailler la nuit. Le guide peut être consulté sur le site de la commune (www.les-bons-villers.be) et a reçu de bons retours bien qu’il puisse encore être amélioré et qu’il comporte quelques erreurs.

Pour rejoindre l’appel de monsieur Mormont à créer des lieux de rencontre entre agriculteurs et citoyens, monsieur Perin explique que lors des discussions en lien avec la ruralité, les chasseurs, agriculteurs, conseillers communaux sont mis autour de la table. Pour l’aspect mobilité, ils convoquent des « comités d’accompagnement » qui permettent de tenir compte des contraintes de chaque partie. Ils mettent également en place des portes ouvertes avec le GAL en plus des JFO, interviennent lors des inondations d’habitations en bordure de champs. Enfin, ils commencent à connaître les périodes où les gens râlent et anticipent en communiquant sur leur page Facebook.

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