Le 25 novembre dernier avait lieu la Journée d’étude provinciale des agricultrices de la province du Luxembourg, celles-ci avaient décidé de développer le sujet de la transmission des fermes et particulier le cadre légal pour remettre sa ferme.

Après le mot d’accueil de Christiane Collinet, Secrétaire de la section locale de la Roche et l’introduction de la journée par la Présidente Provinciale UAW Luxembourg, Claudette Pierrard, nous avons eu le plaisir d’accueillir le notaire Etienne Beguin ainsi qu’Olivier Collignon, chargé de projet à la FJA.

Côté Pile : le cédant : comment transmettre ma ferme dans les meilleures conditions possibles ?

Etienne Beguin, notaire à Beauraing

 

  • Introduction

Tout d’abord, il n’existe pas une solution unique, cela va dépendre des objectifs que l’on a : Transmettre pour le prix  le plus élevé ? Pour permettre à un ou plusieurs enfants de continuer ? Pour tenter d’assurer la paix de la famille ? Et il s’agit généralement d’une combinaison de plusieurs objectifs, qui peuvent varier avec le temps. Par ailleurs, même dans des situations similaires, la solution est souvent différente d’une ferme à l’autre.

La transmission de son exploitation ne se fait pas du jour au lendemain, il faut la préparer lorsqu’on arrive à la fin de son activité professionnelle. Ni trop tôt, ni trop tard. Elle peut être compliquée lorsque des tensions subsistent entre les enfants ou entre les parents et les enfants. De plus, l’entreprise agricole est un patrimoine complexe à transmettre. Cela peut également être dur psychologiquement de céder ce que l’on a construit pendant tant d’années, sept jours sur sept. Le cédant doit également se protéger et s’assurer des revenus suffisants pour sa retraite.

Il faut toujours qu’un contrat soit établi entre les 2 parties, que chacun puisse s’exprimer et soit entendu. L’échange doit se faire dans le respect mutuel et peut être facilité par des intermédiaires spécialisés (conseillers, conciliateurs). Plusieurs réunions sont nécessaires avant de prendre une décision

Lorsque l’on transmet sa ferme « à titre gratuit », on veut généralement pouvoir céder tout en gardant un minimum de contrôle sur ce qu’il advient des biens transmis. La cession à titre onéreux se réfère aux règles de la vente tandis que la cession à titre gratuit suit les règles des donations. Dans ce dernier cas, il est recommandé d’intégrer des dispositions destinées à assurer la protection du donateur : réserve d’usufruit, interdiction de vendre et d’hypothéquer (de mettre en garantie), retour conventionnel, droit de préférence, …

Attention à l’aspect fiscal : en cas de cession d’une universalité de biens, l’article 11 du Code la TVA prévoit une neutralité sur le plan de la TVA sous le régime de la continuité. Par ailleurs, au niveau de l’impôt des personnes physiques, on peut opter pour le régime de la continuité, ce qui signifie qu’il n’y a pas de taxation sur la plus-value si on transmet à un descendant[1]. Par contre, cela ne s’applique pas si la transmission est partielle.

 

  • Quelques particularités des entreprises agricoles

Comme dit plus haut, les entreprises agricoles présentent quelques particularités, dont le recours au bail à ferme. Lorsqu’on veut transmettre ses baux, plusieurs options s’offre à soi. Lorsque la cessation se fait entre vifs, la cession simple prévoit de reprendre le bail en cours, mais comme la durée maximum correspond à 4 périodes de 9 ans, pour un bail oral, l’exploitation se terminerait en principe en 2037. Pour un jeune et si le repreneur est un descendant, il est donc préférable de recourir à la cession privilégiée car cela entraine le renouvellement du bail, ce bail étant suivi de 3 prolongations. Dans le cas d’une cession à cause de mort, le bail continue au profit des héritiers et ayants droit.

Loi relative au régime successoral des exploitations agricoles prévoit la reprise de l’exploitation (en tout ou en partie) par les héritiers en ligne directe. Sauf motif grave, elle oblige le reprenant à exploiter l’exploitation agricole pendant 10 ans et lui interdit d’aliéner (céder) les immeubles.

Il existe une loi sur le salaire différé qui permet aux descendants et leurs conjoints qui ont exercé de façon continue pendant au moins 5 ans et au plus 10 ans dans l’exploitation une activité normale non rémunérée de bénéficier de la moitié du salaire brut d’un ouvrier agricole.

 

  • La transmission à titre gratuit des terres agricoles en Région Wallonne : aspects fiscaux

La transmission d’entreprise vise toutes les entreprises et prévoit un taux de faveur lorsque le donateur ou le défunt est ou a été entrepreneur (dont agriculteur). Cela signifie que si l’épouse n’a pas de statut (même si elle travaille dans l’exploitation depuis de nombreuses années), sa moitié ne pourra pas bénéficier du taux 0%. Il faut donc qu’elle devienne officiellement agricultrice ou aidante avant la transmission. Concernant le donataire, par contre, il n’y a pas d’exigence professionnelle ni familiale. La maison d’habitation est exclue du régime de faveur et il est accepté que certains biens ne soient pas transmis. Pour y avoir droit, il faut faire une demande d’attestation à la Région wallonne. En effet, ce « cadeau » vient d’une volonté européenne d’assurer la continuité des entreprises. Il y a donc une obligation de continuer l’activité pendant au moins 5 ans. Pour cela, un contrôle a lieu après 5 ans pour vérifier que le patrimoine est resté équivalent après 5 ans et que le niveau d’emploi a été maintenu à 75 % ou plus. Les mains-d’œuvre familiale et salariée sont prises en compte mais pas le recours au travail par entreprise. Par ailleurs, il vaut mieux estimer modérément le niveau d’emploi de départ plutôt qu’à la hausse pour éviter les soucis au cas où il arriverait quelque chose (maladie, décès, départ) à l’une des personnes travaillant sur la ferme.

Il y a également un décalage entre la transmission de l’exploitation (à « 0 % ») et des terres agricoles (au taux ordinaire). Pour cela, un décret prévoit l’extension du régime des donations d’entreprises aux donations de terres consenties par des anciens agriculteurs. On considère alors le donateur (agriculteur retraité) comme un entrepreneur et les terres agricoles comme une entreprise. La transmission des terres doit répondre à plusieurs conditions : le donateur doit avoir été agriculteur ; la donation doit porter sur des terres louées en vertu d’un bail à ferme ; comme pour le régime général de la transmission d’entreprise il faut assurer le maintien de l’activité, de l’emploi et de l’investissement ; les bénéficiaires (= continuateurs) sont les exploitants ou le co-exploitant de l’activité agricole qui y est exercée ou les descendants ou ascendants en ligne directe, un époux ou un cohabitant légal (mais pas des neveux et nièces, p. ex.) ; le taux réduit ne porte que sur des terres agricoles.

En conclusion

  • La transmission d’une entreprise agricole est une opération complexe. Chaque situation est unique.
  • Elle doit être préparée.
  • Toutes les implications doivent être examinées.
  • Une concertation avec toutes les parties intéressées est indispensable.
  • Il faut s’entourer des conseils utiles (conseiller fiscal, comptable, banquier, notaire, …).

Côté Face : le repreneur : Les points d’attention et démarches lors d’une reprise

La présentation d’Olivier Collignon abordait la même problématique, cette fois du côté du repreneur. Plusieurs recommandations recoupaient donc celles énoncées par Mr Etienne Beguin.

En Wallonie, 95 % des installations sont des reprises familiales. La moyenne d’âge des agriculteurs est de 58 ans et la grande majorité d’entre eux n’ont pas de repreneurs.

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Ligne du temps et démarches d’installation

Olivier nous explique les différentes étapes par lesquelles il faut passer avant de reprendre une exploitation. En effet, il faut commencer par identifier son profil, notamment pour déterminer si l’on doit poursuivre sa formation (cours A, B et stage).

Comme mentionné par monsieur Beguin, la communication est très importante lors de la reprise. Il est ainsi possible d’établir une convention de co-exploitation qui permet de déterminer qui apporte quoi, qui fait quoi. Ce document ne doit pas être enregistré de manière officielle mais permet au repreneur de s’émanciper face aux parents/beaux-parents/cédants. Il est important d’organiser des réunions de famille qui peuvent se faire en présence d’un médiateur (secrétaire FWA, Family House, …).

Il faut également enregistrer une convention de reprise auprès du SPF Finance. Attention cependant que, pour avoir droit aux aides à l’installation, celle-ci doit correspondre à la réalité : reprise totale, reprise indivise (en association) ou reprise partielle divise (scission). Il ne faut donc pas l’enregistrer trop vite.

Du point de vue financier, il faut bien tenir compte des frais inhérents aux démarches. Dans certains cas, le repreneur va devoir optimiser l’exploitation (adapter, améliorer, mettre aux normes). Pour évaluer la viabilité de l’exploitation, on regarde le revenu disponible par unité de travail. Il faut également bien prévoir un budget de trésorerie. De plus, sans apport de fonds propres, il est difficile de se voir accorder un prêt. Pour financer l’exploitation, on peut aussi faire appel à des fonds tiers : crédit bancaire, salaire différé, crowdfunding, aides ADISA. Le crowdfunding fonctionne surtout pour les diversifications et permet de faire sa publicité. Enfin, il faut garder en tête qu’un projet doit pouvoir être finançable sans aides.

Pour tout renseignement concernant l’installation en agriculture, vous pouvez contacter Olivier Collignon : 081/627.427 - olivier.collignon@fja.be

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[1] Descendant = enfants, beaux-enfants mais pas les cousins par exemple

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