Les agricultrices du Luxembourg se réunissent autour d’un thème d’actualité…

La semaine de la mobilité venant de s’achever le 22 septembre dernier avec le dimanche sans voiture. Les agricultrices du Luxembourg se sont réunies autour d’un thème d’actualité : « Biocarburants, écologique ou pas ? Diversifications possibles ? »… dans la nouvelle salle de Buffl’Ardennes située à Semel (Neufchâteau). Retour sur une journée instructive…

La journée s’est déroulée en trois temps :

Tout d’abord après l’accueil d’Odette Annet, responsable de la section de Libramont qui nous invitait, nous avons pu mettre en valeur la jeune pousse choisie par la province (voir article dans ces pages), à savoir Emilie Joris, jeune agricultrice qui a créé son activité au sein de l’exploitation.

Madeleine Renard, première vice-présidente provinciale, a introduit notre matinée d’étude :

« Le sujet choisi découle d’une réflexion que l’Union des Agricultrices Wallonnes mène depuis longtemps. Le défi climatique et ses répercussions sur notre agriculture locale !

Souvenez-vous en  2016 à Tintigny, nous avons déjà réfléchi sur « les opportunité pour une agriculture durable » avec une meilleure gestion des médicaments et aussi la possibilité de se diversifier avec la culture du chanvre. Comme nous l’avons vu depuis, tous les projets ne sont pas éternels malheureusement.

L’année passée, à Grand Han, nous avons réfléchi à la meilleure façon « d’adapter nos prairies et nos cultures au changement climatique afin d ‘assurer l’avenir de nos élevages. ».

Donc nous terminons notre réflexion autour de ce grand défi avec cette thématique des biocarburants…

Tout le monde en parle, les citoyens comme les politiques… Des questions, nous nous en posons beaucoup tout d’abord en tant qu’agricultrice : Notre rôle est-il de produire de l’énergie ou de nourrir le monde ? S’agit-il d’une diversification plausible pour les agriculteurs ? Est-ce que dans notre province, ce type de production est possible ?

Ensuite en tant que citoyenne : Devrons-nous changer de style de mobilité ? S’agit-il de la solution miracle pour nos véhicules ? Est-ce que les infrastructures sont déjà prêtes ? Sommes-nous préparer à avoir demain des véhicules utilisant ce type de carburants ?

Pour tout cela et bien plus encore, nous avons invité deux spécialistes. Ils ne seront sans doute pas tout à fait d’accord ensemble mais le but de la journée est de susciter la réflexion, le débat, d’amener des idées sûrement, des solutions peut-être. »

Biocarburants, écologique ou pas ?

Biogaz, diversification possible ?

C’est Aurélie Noiret, du Service d’études de la FWA qui a débuté la journée. Son objectif était de bien resituer  dans nos têtes le concept de biogaz, biométhanisation et biocarburant et ensuite de voir dans quelles mesures, au niveau de nos fermes, nous saurions mettre de tels projets en œuvre.

Il faut tout d’abord faire une distinction entre biocarburant et biogaz.

Le biogaz est produit à partir de déchets biodégradables. Il ressemble au gaz naturel, mais n'est pas une énergie fossile. Nous l’appelons également biométhane.

Les biocarburants de première génération sont fabriqués à partir de produits de l'agriculture (betterave, blé, colza, maïs, etc.). Ils sont mélangés petites quantités dans le diesel ou l’essence

La biométhanisation

Pour avoir un biocarburant  de qualité, il faut un digestat de qualité. Toutes les matières organiques sont biométhanisables sauf les matières ligneuses (le bois). Mais toutes ne se valent pas !

Chaque produit possède un pouvoir méthanogène connu. Dans le top 10, La menue-paille est le plus rentable suivie de peu par la paille de céréales, l’ensilage de maïs, les fientes de poules et l’ensilage des cultures dérobées. Terminent le peloton : les déchets verts (tontes de pelouses), le fumier bovins et le lisier bovins.

Le digestat obtenu sert principalement à fertiliser les sols, il remplit pour cela plusieurs qualités : conservation de la fraction humique (une faible proportion du carbone part en biogaz), conservation des NPK et donc une minéralisation partielle et une diminution du lessivage (protection des nappes phréatiques.) Mais pas que, il y a pas ou peu d’odeur. Par contre pour le moment, cela ne ramène aucun revenu et la législation étant assez complexe, celle-ci va évoluer avec la nouvelle Directive européenne Fertilisants.

Avant de construire une unité de biométhanisation, il est indispensable de consulter plusieurs experts.  En fonction des objectifs, ce projet peut-être très différent d’une situation à l’autre :

Il faut se poser les bonnes questions : veut-on viser l’autonomie énergétique de son exploitation ou démarrer une nouvelle activité ? Va-t-on y travailler seul ou avec d’autres agriculteurs ? Quels intrants sont à disposition ? Il faut réfléchir également au choix du site où l’implantation aura lieu, ainsi que l’aboutissement à savoir quels sont les besoins à proximité et les valorisations pour l’énergie ?

Un conseil ? Allez voir ce qui se fait déjà, il existe des structures de biométhanisation dans des fermes et en coopérative avec la commune. L’ASBL Valbiom organise de nombreuses visites et donne de nombreux conseils. Pour plus d’informations, n’hésitez pas à vous inscrire à leur newsletter.

Les Biocarburants

Pour rappel, vous ne saurez pas installer de centrale à biocarburants chez vous par contre, vous pourrez travailler avec des sites de transformations comme Biowanze.

Il existe trois générations de Biocarburants

La troisième concerne l’utilisation des algues. La seconde n’utilise que les parties non comestibles des plantes et les déchets agricoles, les biocarburants à base de lignine et de cellulose devraient permettre de produire, sur la même surface cultivée, à la fois des aliments et de l’énergie.

La première génération est la plus critiquée, elle a trois origine : soit elle est européenne, soit d’origine hors union européenne mais reconnue durable, soit d’origine hors union européenne et non durable.

La première génération d’origine européenne est fabriquée à partir de céréales et betteraves pour l’essence, ou à partir de maïs et colza pour le diesel.

4% de la surface agricole utile est utilisée pour cela dans l’Union Européenne. Celles-ci ne peuvent pas avoir été labourées depuis 2008. De plus, nous avons besoin de filières de valorisation pour les céréales, les betteraves et le colza. En matière de réduction de surfaces agricoles, le principal souci des agriculteurs actuellement n’est pas la disparition des prairies pour faire du biocarburant mais bien l’urbanisation, la création de zones d’activités économiques qui font, elles, que les terres agricoles disparaissent.

Agrocarburants, fausse solution ?

Pour la seconde partie de la matinée, nous avions souhaité donner la parole à Inter-Environnement Wallonie. Plus connue sous le nom d’IEW, la fédération d’associations environnementales a été fondée en 1971. Elle représente près de 150 associations de taille et de nature variées. Leurs missions sont multiples avec entre autre la lutte pour une meilleure qualité de l’air en ville, la protection et la restauration des écosystèmes, l’éducation à l’environnement, l’organisation de coopératives citoyennes, et des thématiques comme l’alimentation durable et la mobilité douce…

Noé Lecocq, chargé de mission Energie-Climat est venu nous parler des agrocarburants, fausse solution ?

Dans la première partie de son exposé, Noé Lecocq a fait l’état des lieux de la consommation des agrocarburants en Belgique, puis il a exposé les problèmes liés à ces agrocarburants et enfin il a terminé avec l’évolution du cadre légal européen.

Depuis 2014, le biodiesel (pour le diesel B7) et le bioéthanol (pour l’essence E5 et E10) ont évolué tant dans leur composition que dans leur consommation.

Le diesel

Il est composé entre autre de biodiesel fabriqué en partie avec des huile de colza, de palme, de soja et d’autres types d’huiles en moindre mesures comme les huiles de tournesol, huiles animales/végétales et huiles usagées.. Depuis 2014, les volumes de biodiesel mis à la consommation en Belgique ont diminué (nous passons de 600 000m³ en 2014 à 500 000m³ en 2018). Le biodiesel de soja importé est lui en forte croissance, ce qui accentue le recul du biodiesel de colza.

L’essence

Celle-ci contient du bioéthanol composé de produits tels que le froment, le maïs, la betterave et d’autres types de produits comme la canne à sucre, le triticale, le seigle, l’amidon…

Pour le bioéthanol par contre, depuis 2016, nous pouvons constater une forte augmentation de la consommation en Belgique (nous passons de 80000m³ en 2016 à 180 000m³ en 2018).

Cette augmentation est due principalement à un changement de législation en janvier 2017 qui impose une augmentation de quantité de bioéthanol.

Pour info, les essences E5 contiennent jusqu’à 5% de bioéthanol (en volume) et les essences E10 en contiennent jusqu’à 10%.

La provenance des produits qui composent les biocarburants consommés en Belgique est assez diverse : seuls 3% provient de Belgique, 42% viennent d’autres pays européens et 54% sont importés de pays extérieurs à l’UE. Cette importation tend à se renforcer car toutes les législations qui voulaient protéger notre marché ont été attaquées pour cause de concurrence déloyale. 

Est-ce que le fait de faire des biocarburants en Belgique crée des soucis ?

La production des matières premières alimentaires nécessaires à la fabrication des biocarburants consommés en Belgique requière environ 5000km2 de terres, à savoir l’équivalent de deux provinces belges. En pratique, cette superficie est mobilisée principalement hors de Belgique, puisque l’essentiel des matières premières est importé.

Il importe également, d’après Noé Lecocq, que les politiques prennent en compte les changements indirects d’affectation du sol (ILUC) : si le sol agricole européen est réaffecté en direction des cultures énergétiques, sa fonction antérieure n’est plus assurée. Dans de très nombreux cas, cela mène à la mise en culture de nouvelles terres (souvent dans d’autres pays) pour remplacer la production antérieure. La production de biodiesel en Europe consomme ainsi désormais une part importante des huiles végétales européennes. Il en résulte une importation accrue d’huiles végétales extra-européennes (palme et soja, notamment, qui sont souvent liées à la déforestation), pour compenser. Ce phénomène peut avoir lieu chaque fois qu’une production agricole européenne est détournée vers les biocarburants.

Ceci cause une augmentation des émissions GES, menace la biodiversité et les écosystèmes, impacte les prix alimentaires et l’accès à la terre des paysans dans le Sud…

De l’avis d’IEW, c’est un paradoxe que de vouloir mettre en place ces biocarburants pour contrer le réchauffement climatique et en même temps de devoir sacrifier des terres pour cultiver les matières premières de ces biocarburants.

En conclusion…

Un débat assez animé s’ensuivi. Si nous avons beaucoup appris, nous nous posons toujours les mêmes questions : est-ce que à notre échelle nous pouvons produire du biocarburant ? Un usage local modéré est-il possible ? Sans doute mais avant de se lancer, il faut aller voir les projets déjà en route et discuter sans langue de bois… La prochaine voiture doit-elle être au diesel, essence, électrique, hybride ? …Cette question nous nous la posons toujours….Une chose est sûre, la curiosité a été éveillée et les agricultrices du Luxembourg ont en projet d’aller visiter des fermes qui ont pu installer ce type de production et voir ainsi concrètement comment tout cela fonctionne, et avec quels types de coopératives.

Lien vers l’étude réalisée en septembre 2019 par IEW et d’autres ONG sur les agrocarburants en Belgique : https://www.iew.be/nos-voitures-roulent-elles-a-la-nourriture/

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