Le 3 septembre dernier, les agricultrices de la Province du Hainaut organisaient leur Journée d’étude provinciale à Goegnies-Chausée sur le thème de l’agribashing, soit le dénigrement fréquent des agriculteurs et de l’agriculture dans l’espace public et tout particulièrement dans l’ensemble des médias.

Cette journée riche en échanges a été l’occasion de faire le point sur cette notion d’agribashing et d’explorer quelques pistes pour rétablir un contrat de confiance entre agriculteurs et citoyens-consommateurs.

Le monde agricole face au défi de l’agribashing

Pour traiter de ce sujet, nous avons pu bénéficier de l’intervention de M Eddy Fougier, Politologue, chercheur associé à l’Institut français des relations internationales et chroniqueur dans la presse professionnelle agricole.

Ayant rédigé un rapport sur ce thème pour la FNSEA, Eddy Fougier nous a partagé une analyse « froide » de la situation, avec une présentation de l’aspect historique de la notion d’agribashing, son expérience de la situation en France, tout en analysant ce qui se passe ici, avec quelques pistes pour répondre à ce défi.

L’agribashing est donc un sentiment partagé par de nombreux agriculteurs selon lequel leur profession, certaines de leurs activités et le mode de production conventionnel font régulièrement l’objet d’attaques, de critiques et d’un dénigrement dans l’espace public, et en particulier dans les grands médias généralistes. Cette définition souligne la dimension émotionnelle du phénomène qu’il faut pouvoir dépasser… Ce n’est, par ailleurs, pas une critique en tant que telle des agriculteurs, qui sont considérés comme victimes d’un système, mais plutôt une critique des méthodes/pratiques agricoles dites conventionnelles (utilisation de produits phytos, élevage intensif…).

Il existe différentes formes d’agribashing, mais force est de constater que la critique s’est élargie et est devenue plus radicale, plus visible, plus intense et avec des conséquences concrètes (insultes, menaces, insécurité physique).

Les mouvements de contestation radicaux et abolitionnistes expriment leurs revendications en public et non plus via des médias spécialisés, ce qui augmente la visibilité de la contestation.

Face à ce phénomène aux dérives amplifiées par l’effet du numérique, la tentation est de rendre coup pour coup… Mais Monsieur Fougier insiste, il ne faut pas se lancer dans des représailles massives et agressives, s’attaquer à des détracteurs radicaux ne fera pas avancer la cause : « ce n’est pas la bonne cible, pas le bon combat… Il faut plutôt essayer de comprendre ce que le consommateur a dans la tête ».

Eddy Fougier nous a alors énoncé les conseils suivants :

  • Il faut changer de manière de répondre et ne pas virer dans le « réactif-agressif » ;
  • Il faut changer de manière de communiquer et s’adresser au grand public en arrêtant de vouloir faire passer un message filière par filière, organisation par organisation… Il n’y a pas de cohérence…
  • Les agriculteurs ont le mauvais réflexe de parler comme des ingénieurs agronomes ;
  • Il faut éviter la démarche « caliméro » et ne pas sombrer dans le chantage affectif, les autres aussi ont des problèmes…

Selon Eddy Fougier, pour répondre au défi de l’agribashing, il s’agit de :

1) Éviter ce qui ne marche pas ;

Face aux attaques, Eddy Fougier donna comme conseil de « mieux organiser la riposte », et ce de manière proactive, en s’adressant directement aux citoyens-consommateurs. Il déconseille d’adopter une posture réactive.

En ce qui concerne les réseaux sociaux, il évoqua quelques règles incontournables pour être entendu et écouté :

  • Parler très simplement de son métier d’agriculteur, en évitant les termes trop techniques ;
  • Rester factuel, expliquer, (dé)montrer :
  • Ne jamais s’énerver ;
  • Les sentiments sont mauvais conseillers, mieux vaut éviter de répondre sous la colère ;
  • Rester poli et courtois ;
  • Communiquer avec passion, plaisir et envie, alors les gens auront envie de vous lire !
  • L’union fait la force, et toutes les agricultures sont respectables !

2) S’appuyer sur des « fondamentaux » qui sont bons ;

Le métier d’agriculteur est reconnu, on leur fait confiance, on a beaucoup d’estime pour eux (travailleurs, courageux). Les produits agricoles wallons répondent également assez bien aux attentes des consommateurs en termes de saveur et de santé (résultats enquête Apaq-W - 2018). Pour appuyer cette affirmation, Eddy Fougier cite en exemple que pour vendre des produits industriels, on utilise l’image de l’agriculteur qui donne un gage de confiance vis-à-vis des produits : photo d’un agriculteur, d’une agricultrice sur le packaging de produits transformés notamment. Le marketing utilise l’image de l’agriculteur, on peut donc en conclure que les agriculteurs renvoient une image positive, gage de valeur pour les produits.

Un autre principe fondamental c’est que le grand public s’intéresse à l’alimentation et il faut utiliser cet intérêt à l’avantage de l’agriculture.

3) Déconstruire un certain nombre de présupposés.

Eddy Fougier souligne : « Il ne faut pas croire que les associations radicales et abolitionnistes qui attaquent l’agriculture ont toute puissance, croire qu’elles ont gagné, leur donner autant de poids et surestimer leur puissance. Elles ne représentent pas la majorité des attentes sociétales, mais plutôt celle d’une petite partie de la population ».

Il évoqua également le fait que la parole syndicale est une parole institutionnelle et donc moins crédible aux yeux du grand public, pour lui c’est mieux que les agriculteurs parlent d’eux-mêmes ! Le dialogue direct est essentiel : les agriculteurs se sont éloignés du consommateur final, alors que les consommateurs veulent ce rapprochement entre producteurs et consommateurs pour dépasser les préjugés.

Pour conclure, selon Monsieur Fougier, il est nécessaire que les agriculteurs soient davantage présents dans les médias généralistes.

« Les agricultrices et les agriculteurs doivent s’engager dans une communication positive, tendre la main à leurs voisins, aux populations riveraines pour mettre les sources d’incompréhension et de critiques sur la table ».

Agression verbale, violation de propriété privée… Comment réagir ?

Avec la multiplication des actes malveillants dans des élevages ou sur des terres agricoles, il est important de savoir comment réagir en toute connaissance de cause et dans le respect de la loi.

C’est en ce sens que deux inspecteurs de Police de la zone Mons – Quévy sont intervenus pour répondre aux nombreuses interrogations des agricultrices.

Différentes problématiques et faits divers vécus par les agricultrices ont été abordés :

 

  • Les dérives sur les réseaux sociaux ;

Les policiers ont confirmé que les réseaux sociaux étaient surveillés par un service dédié, et qu’il n’y a pas d’intérêt à répondre aux attaques qui y sont diffusées. En cas d’aggravation, il est évidemment conseillé de le signaler à la police en conservant des preuves (captures d’écran par exemple), ce qui constituera, si cela se reproduit et s’amplifie, des antécédents pour entamer une procédure judiciaire.

 

  • Les intrusions sur les propriétés privées ;

La violation de domicile est un délit et on peut y signaler l’interdiction d’entrer, qui vient appuyer le caractère fautif de l’intrusion et engage la responsabilité de l’individu qui s’introduit sur une propriété privée. Le duo de policiers conseille nécessairement de ne pas se faire justice soi-même et d’appeler la police en cas d’intrusion pour procéder à l’évacuation. Il est ensuite possible de porter plainte, même si celle-ci est classée sans suite cela constitue encore une fois un antécédent si les faits se répètent et s’aggravent.

 

  • Les caméras de surveillance ;

Une caméra de surveillance installée sur un lieu privé ne doit pas être déclarée, mais il s’agit de signaler sa présence au moyen d’un pictogramme. Il est par contre interdit de filmer la voie publique.

 

  • Le droit à l’image ;

Une personne est autorisée à photographier votre propriété si cela se fait à partir d’un lieu public, elle n’a donc pas le droit d’entrer sur une propriété privée pour prendre une photo.

Si une photo prise à votre insu est diffusée sur les réseaux sociaux et que l’on peut clairement vous identifier, il faut porter plainte en invoquant le droit à l’image et la diffamation. En ce sens, pour vous filmer, vous photographier et diffuser les contenus, il est nécessaire de vous demander votre consentement.

Cette matinée de réflexion et d’échanges sur le thème de l’agribashing prouve une nouvelle fois que le « combat » que le secteur agricole doit mener se situe au niveau de la communication positive, pour éviter que l’agribashing ne se poursuive et ne s’intensifie.

Les agricultrices et agriculteurs doivent s’adresser en priorité aux citoyens-consommateurs en utilisant ce phénomène comme levier pour tisser des liens et recréer une relation de confiance.

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