Nous le voyons dans notre quotidien, dans nos fermes, cette période un peu hors du commun ne change pas grand-chose pour nous… Le travail est là, nous sommes toujours tributaires de la météo et du cycle de la nature… Nous pouvons par contre observer plus de promeneurs dans les champs, plus de clients dans nos magasins à la ferme… Aussi, l’UAW s’est posé la question : comment ce confinement est-il vécu par nos voisins ?

Pour cela, nous avons interviewé deux formateurs qui travaillent tous deux au CEPAG et qui ont écrit des analyses assez révélatrices du comportement humain pendant ce confinement.

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Le CEPAG (Centre d’Education populaire André Genot) est un mouvement d’éducation permanente (à l’instar de l’UAW).

A ce titre, l’association développe avec ses 9 régionales une dynamique de formation et d’animation auprès de la population sur des thèmes en lien avec le politique, le social, le culturel et l’économique.
L’objectif du CEPAG est de favoriser, par ses actions et ses publications, la citoyenneté active, critique et démocratique.

Dans l’édition de juin, vous pourrez lire l’interview de Monsieur Maurizio Vitullo, Licencié en Histoire et Archéologie.  Africaniste (ULB) mais également formateur et responsable des relations internationales au Centre d’Education populaire André Genot (CEPAG).

Pour le mois de mai, nous avons le plaisir de pouvoir prendre connaissance des réflexions de son confrère Monsieur Laurent D’Altoe, Licencié en journalisme et communication, certifié en sociologie politique (ULB).

Il est également ancien journaliste et actuellement formateur au Centre d’Education populaire André Genot (CEPAG).

Suite à son écrit « Coronavirus : ce que l’épidémie dit de nos sociétés », que vous pourrez trouver sur le site du Cepag, l’UAW a souhaité lui poser quelques questions dans la lignée de cette analyse.

 

UAW : Au vu de vos écrits, pensez-vous que l’être humain va apprendre de ses erreurs ?

« Oui, on apprend tous de nos erreurs. Maintenant, au-delà de cet apprentissage individuel, il y a nécessité de structurer des luttes collectives. En effet, cette crise sanitaire aura été un révélateur d’inégalités effrayantes générées par un capitalisme agressif. L’inégale répartition des richesses, l’exploitation honteuse de certaines catégories de travailleuses et de travailleurs, les ravages écologiques dus au pillage de nos ressources, etc.  Tout cela existait avant la pandémie mais cette dernière a jeté une lumière crue sur ces problèmes.

Donc oui, l’être humain peut apprendre de ses erreurs, mais cela ne suffit pas car le Covid a montré que nous ne pouvions pas continuer dans cette voie. Et pour changer les paradigmes de notre société, il faut absolument être unis.

On assiste à un véritable combat entre les forces conservatrices (notre gouvernement fédéral notamment) qui veulent absolument revenir au « business as usual » et les voix progressistes qui s’élèvent pour changer notre société malade. A ce titre, les mouvements d’éducation populaire ont un rôle essentiel à jouer pour conscientiser et structurer les actions. »

UAW : Nous avons pu observer au sein des fermes le retour du consommateur vers les produits locaux. Nous verrons probablement aussi le retour des vacanciers dans les gîtes, chambres d’hôtes et campings si le déconfinement permet l’ouverture de ceux-ci. Pensez-vous que l’être humain va prendre conscience qu’il faudra à l’avenir changer son mode de consommation, revenir au local en priorité ?

« Les crises sont souvent l’occasion de changer nos manières de vivre et de consommer. Et on l’observe aujourd’hui, avec, comme vous le soulignez, un retour au local pour la consommation de certaines produits, alimentaires notamment.

La question est de savoir si ces bonnes habitudes vont perdurer au-delà de la pandémie. Je suis plutôt optimiste sur ce point. L’épreuve que nous traversons a mis en lumière la nécessité de revenir à des circuits courts et à une relocalisation des activités essentielles liées à la sécurité alimentaire ou encore à la production des biens de première nécessité.

Enfin, je ne pense pas qu’il sera encore possible de consommer « comme avant ». Est-il raisonnable de continuer à commander divers objets plus ou moins inutiles qui arrivent en avion et qui sont fabriqués à des milliers de kilomètres dans des conditions sociales et environnementales déplorables ? Clairement non ! »

UAW : On dit que pour adopter un comportement, il faut 21 jours… Au vu des réactions lors de l’ouverture des drives après plus ou moins 38 jours de confinement, croyez-vous que notre population prendra conscience un jour de ce qui est essentiel ?

« Il ne faut pas généraliser. Les personnes qui font la file devant les temples de la malbouffe obéissent à un réflexe très humain qui est de se raccrocher à la vie « d’avant ». C’est un réflexe naturel de se raccrocher à ce que l’on connaît. Le changement fait toujours peur, sauf si on devient collectivement acteurs et actrices de ce changement qui arrive. Et je reviens sur le rôle des organisations progressistes et d’éducation permanente qui peuvent accompagner et structurer cette marche vers une société plus juste. »

UAW : Pourquoi observons-nous une telle différence de comportement au sein de la population (suivi ou non des consignes), alors que celle-ci reçoit les mêmes infos ?

« Tout d’abord, il faut bien reconnaître que les infos données, notamment en matière de consignes liées au confinement, n’ont pas toujours la clarté de l’eau de source. C’est sans doute dû à la situation inédite que nous vivons et à certaines inconnues qui persistent quant au virus lui-même.

Ensuite, les discours parfois contradictoires des « experts » de tout poil brouillent encore un peu plus la perception des infos.

Je voudrais aussi revenir sur le rôle essentiel des médias en la matière. On assiste à une véritable surenchère lors de laquelle on ne parle plus que du coronavirus. Bien sûr il faut informer sur cette grave maladie. Mais en tant qu’ancien journaliste, je suis sidéré du manque de profondeur du traitement des sujets liés à cette épidémie. Nous sommes gavés de sujets « people » (telle ou telle vedette nous donne ses astuces pour s’occuper chez elle) ou techniques (comment fabriquer son masque). Mais à côté, il y a très peu de sujets qui abordent les vrais problèmes, à savoir les changements nécessaires à apporter pour l’avenir de nos sociétés.

Là aussi, deux logiques s’affrontent : les infos officielles qui nous disent « restez chez vous » tout en vantant une reprise prochaine « comme avant » et les médias dits alternatifs qui prônent une vraie redistribution des cartes.

Je le répète : le véritable enjeu, c’est de sortir du capitalisme qui a fait bien davantage de victimes que le virus. A titre d’exemple, une récente étude estime que la pollution de l’air, à elle seule, fait près de 9 millions de morts par an dans le monde… »

UAW : Nous avons pu observer des chaines de solidarité se créer puis des tensions apparaître au sein des réseaux sociaux, sortirons-nous indemnes de cette pandémie ?

« Non, il ne sera pas possible de faire comme si rien ne s’était passé. Les citoyennes et citoyens ont développé de systèmes d’entraide qui, je l’espère, perdureront bien après le coronavirus. Cette crise aura été l’occasion pour bon nombre d’entre nous de se rendre compte que l’on peut influencer les choses au niveau individuel et surtout collectif.

Lors de la crise financière de 2008-2009, des voix s’étaient déjà élevées pour changer de modèle. Malheureusement, il n’en a rien été.

Cette fois-ci les données sont différentes car tout le monde, d’une manière ou d’une autre, a été impacté.

C’est donc le moment ou jamais de construire un modèle de vie plus juste et équitable. Il en va de la survie de l’Humanité ».

 

L’UAW tient à remercier Monsieur d’Altoé pour sa disponibilité en ses temps confinés.

Suite au prochain épisode…

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