(propos recueillis par le CSA)

L’agriculture est l’une des principales activités économiques de la République démocratique du Congo. Les terres y sont consacrées essentiellement à trois types de cultures : les cultures vivrières (manioc, maïs, riz, arachide, bananes plantains, pomme de terre, blé, sorgho, haricot, soja, patate douce, etc.), les cultures maraîchères (oignon, tomate, poireau, etc.) et les cultures pérennes ou de rente (palmier à huile, cacaoyer, caféier, canne à sucre, papaye, etc.). Quant aux élevages, ils sont constitués de caprins (60% du cheptel national), de porcins (15%), d’ovins (14%) et de bovins (11%).

La République du Congo n’a pas été épargnée par la pandémie du Covid-19. Encore aujourd’hui, de nombreuses restrictions courent, comme le port du masque obligatoire, la mise en place d’un couvre-feu dans certaines provinces (comme dans les Provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri), ou encore l’interdiction de manifestations culturelles et de célébrations. La pandémie a également impacté négativement la situation économique du pays, qui était déjà critique. Il est important de rappeler que la RDC, malgré son énorme potentiel qui pourrait en faire le grenier de l’Afrique, est un pays qui importe l’essentiel des produits consommés sur son territoire. Ce qui est très problématique depuis la fermeture des frontières avec certains pays, notamment l’Uganda, en raison du Covid. Cela a par ailleurs poussé le Gouvernement à réfléchir sur ce qu’il pourrait mettre en place pour favoriser la production locale et diminuer le taux d’importation, notamment par l’établissement d’usines, etc.

Si au niveau économique, la République démocratique du Congo ne se porte pas très bien, le pays est également le terrain de conflits interminables. Beaucoup d’événements récents illustrent encore aujourd’hui l’instabilité du pays, les régions de l’Est étant particulièrement touchées. Pour la Ligue des Organisations des Femmes Productrices agricoles au Congo (LOFEPACO), organisation partenaire du Collectif Stratégies Alimentaires, l’exemple le plus frappant de cette instabilité est l’installation d’autorités policières et militaires dans le cadre de l’État de siège décrété en RDC depuis le 6 mai 2021. En effet, ces autorités dirigent désormais les provinces, les territoires, les villes et les communes. Cela se fait d’autant plus ressentir dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri, où les conditions socio-sécuritaires sont encore plus inquiétantes. Cette situation ne permet pas aux agriculteurs et aux agricultrices de travailler sereinement, ce qui impacte négativement la production agricole. Dans ce contexte, la femme rurale se retrouve d’autant plus vulnérable.

Portrait d’une agricultrice congolaise : Jorime Kavira Musumba

Jorime Kavira Musumba est une agricultrice de 31 ans, qui vit dans la localité de Mubana, en République démocratique du Congo. Elle est la cadette d’une famille de sept enfants.

Quelle place a l’agriculture dans votre vie ?

Je suis issue d’une famille paysanne, donc l’agriculture a toujours occupé une place importante dans ma vie. Mais avec les années, elle n’a fait que prendre davantage de place. En effet, j’ai réussi à gagner la confiance de mes parents qui ont fini par me confier la gestion de nos exploitations agricoles depuis plus de dix ans.

Quelles sont vos activités agricoles ?

Avec les années, nous avons diversifié nos activités agricoles et développé des productions de type végétal et animal. Aujourd’hui, nous produisons essentiellement du café, de la tomate, du haricot, du manioc. Nous élevons aussi des chèvres, des porcs, des lapins et des cobayes. À côté de cela, nous nous sommes dernièrement lancés dans la pisciculture et nous avons érigé deux petits étangs piscicoles à côté d’une de nos exploitations caféicoles. Et ce n’est pas tout : si nos exploitations ont déjà bien évolué, nous ne comptons pas nous arrêter là. Nous espérons continuer à nous diversifier et nous sommes d’ailleurs actuellement en train de nous spécialiser dans la commercialisation des produits agricoles. Nous travaillons énormément et nos efforts paient. Avec ma famille, nous sommes fiers de faire partie des dix plus grands producteurs et fournisseurs de café de notre localité, Mubana.

Quelle place occupent les agricultrices et les femmes rurales dans le secteur agricole en RDC ?

En RDC, les femmes rurales représentent environ 80% de la main-d’œuvre du secteur agricole qui lui – même occupe environ 70% des populations. Ce sont les femmes qui produisent environ 80% des vivres consommés dans le pays. Cela est notamment dû au fait que le travail agricole quotidien retombe en grande partie sur les femmes. Même si les hommes comprennent de plus en plus que l’agriculture est une affaire de tous et prennent de plus en plus part au travail agricole.

Nous essayons de mener nos activités agricoles le plus sereinement possible et ce, malgré certains aspects compliqués à gérer. Il faut dire que nous devons faire face à l’insécurité dans les zones de production qui peuvent être le terrain de vols et même plus gravement, de viols. Et puis, nous n’avons pas toujours les infrastructures agricoles adéquates pour pouvoir faire notre travail dans les conditions idéales, tant au niveau de la production que du transport de celle-ci. Voici donc des exemples de contraintes auxquelles se heurtent les agricultrices et les femmes rurales.

Pouvez-vous nous décrire une de vos journées types ?

Mes journées sont bien chargées. Faire paître nos bêtes, entretenir leurs lieux de vie et entretenir toutes nos cultures constituent le gros du travail de mes journées. En plus de mes tâches agricoles, je suis est aussi un élément moteur de ma famille.

Quels rôles jouez-vous justement au sein de votre famille ?

En plus de gérer nos exploitations et nos élevages, c’est moi qui m’occupe des besoins de première nécessité de ma famille. Je suis célibataire et mes parents ont un âge avancé, je reste donc présente pour pouvoir m’occuper de mes frères et sœurs. Je m’assure que chacun ait tout ce qu’il lui faut pour sa scolarité, que tout le monde soit en bonne santé et que personne ne manque de rien.

Quelles sont les joies et les difficultés rencontrées dans vos activités agricoles ?

Si les activités agricoles me permettent d’atteindre une autonomie économique et de couvrir les besoins de la famille, elles ne sont pas tous les jours faciles à gérer. En plus de la pénibilité du travail, nous sommes par exemple confrontés à des vols réguliers de poissons de nos étangs piscicoles par des bouviers externes. Nous devons aussi travailler avec d’autres contraintes qui sont plutôt de l’ordre structurel, comme l’absence de fournisseurs d’intrants agricoles/concentrés pour bêtes au niveau local et à l’insuffisance des marchés contractuels dans la région.

Vous investissez-vous dans les structures agricoles de votre région ?

J’ai initié, aux côtés d’autres femmes productrices, une AVEC (Association villageoise d’épargne et de crédit) pour soutenir les activités des petits producteurs, principalement à travers l’octroi des crédits agricoles. Je suis également aujourd’hui membre de la Coopérative Kawa Kabuya (CKK) et du Syndicat de défense des intérêts paysans (SYDIP), la première organisation paysanne partenaire de la LOFEPACO (Ligue des Organisations des Femmes Paysannes du Congo).

Pourquoi avoir choisi de faire partie de ces organisations ?

Être membre d’une organisation paysanne me permet de bénéficier d’un accompagnement technique, de prendre part aux ventes collectives, d’augmenter mes bénéfices et d’échanger des conseils avec d’autres producteurs. Il est aussi très important de pouvoir nous rassembler entre femmes pour renforcer notre leadership, nous entraider sur le plan socio-économique et échanger sur des problématiques qui nous sont propres.

Il est indéniable que j’ai une meilleure production avec les années, notamment grâce aux coopératives et à tout ce qu’elles peuvent m’apporter en tant qu’agricultrice, et plus largement, en tant que femme. Finalement, les coopératives comme la LOFEPACO sont indispensables pour les femmes rurales, car elles créent des espaces sûrs d’échange et de solidarité, dans le but de nous accompagner et de nous permettre d’évoluer au niveau socio-économique.

Quels conseils donneriez-vous aux femmes qui souhaiteraient se lancer dans le secteur de l’agriculture ?

Bien s’entourer est très important. Je leur conseillerais d’intégrer une organisation paysanne, de choisir une filière dans laquelle elles veulent se professionnaliser et de s’approvisionner en intrants agricoles dans les sites qui sont bien reconnus et certifiés.

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