Propos recueillis par le CSA et l’UAW

En cette semaine du 8 mars, journée internationale des droits des femmes, nous avons souhaité vous présenter deux agricultrices en mettant l’accent sur leur vision féminine de la profession ainsi que sur leur parcours au sein de leur Organisation Professionnelle Agricole.

Marie Agnès Kiteme

Je m’appelle Marie-Agnès, je suis femme agricultrice à Muhangi (Territoire de Lubero, Province du Nord-Kivu), membre d’une Organisation Paysanne dénommée UCOOFEA (Union des Coopératives des Femmes Agricultrices), l’une des Organisations membres de la LOFEPACO et bénéficiaires des actions de la LOFEPACO surtout dans le domaine de la sécurité alimentaire.

Je cultive du maïs, du manioc, et j’élève des lapins.

Cela prouve que le développement du leadership de la femme paysanne a tenu, bien qu’il y ait encore des choses à renforcer 

Delphine Ladouce

Je m’appelle Delphine, je suis agricultrice à Furfooz (Dinant), active dans la section locale UAW Condroz-Famenne, je suis mariée et j’ai trois enfants.

Cela fait trois ans que je suis revenue sur la ferme après avoir travaillé presqu’une vingtaine d’années à l’extérieur.

Avec mon mari, nous élevons des poulets, des porcs et des veaux.

L’agriculture c’est vraiment un super métier, c’est dur, mais quand on est passionnée, on relève les défis et on avance 

Qu’est-ce qu’une agricultrice selon vous ?

Marie-Agnès (MA) : Une agricultrice est une personne de sexe féminin qui cultive la terre ; c’est une personne qui joue un rôle important dans la sécurité alimentaire. Elle consacre l’essentiel de son temps aux activités agricoles pour la survie de sa famille et de la société. Une agricultrice n’a, par contre, pas les mêmes droits et possibilités d’accès à la terre et aux ressources agricoles qu’un agriculteur…

Delphine (D) : C’est un métier multi-tâches : « il faut savoir toucher à tout ! »

Au sein d’une exploitation, l’agricultrice apporte également une approche plus sensible de la profession, notamment du point de vue de la gestion des différents problèmes que l’on peut rencontrer. Que cela soit en termes de suivi des animaux ou des cultures, l’agricultrice et l’agriculteur abordent leur métier de manière différente mais complémentaire.

Arrivez-vous à vous faire entendre en tant qu’agricultrice et comment ?

MA : Oui, surtout à travers les différentes journées dédiées à la femme, je cite à l’occurrence la journée mondiale de la femme rurale, le 15 octobre, une journée au cours de laquelle nous nous exprimons en tant qu’agricultrices et piliers de la sécurité alimentaire de la région.

Mon souhait est que la femme agricultrice puisse accéder à toutes les ressources nécessaires pour produire davantage et mettre ainsi en place une véritable agri-business.

D : Oui, la voix des agricultrices commence à prendre un peu plus d’ampleur… Si on se réfère à il y a quelques années, où on était finalement que « la femme de » et maintenant où on revendique vraiment une position déjà dans nos fermes, où là on est plus actrices, on fait partie intégrante des décisions prises sur l’exploitation. Et vis-à-vis de notre organisation, je trouve aussi qu’on se fait de plus en plus entendre, il y a encore du boulot pour faire évoluer les mentalités mais on commence vraiment à avoir un peu plus de visibilité !

Faites-vous partie d'une organisation ? Et comment vous positionnez-vous au sein de votre organisation ?

MA : Oui, comme je l’ai dit lors de la présentation, je suis membre d’une Organisation Paysanne dénommée « Union des Coopératives des Femmes Agricultrices, UCOOFEA », une Organisation membre de la LOFEPACO depuis sa création. Actuellement, je suis Présidente de cette Union pour un mandat qui est en terme. Grâce à cette appartenance organisationnelle, j’ai pu acquérir une expérience avérée dans la conduite et la gestion des exploitations agricoles, la conduite et la gestion des Organisations, … Ayant suivi les diverses sessions de formation en leadership, je suis actuellement comptée parmi les formatrices des autres femmes paysannes et même des autres couches sociales, les jeunes notamment.

D : Oui, j’ai décidé de m’impliquer dans une organisation représentant les agricultrices parce que pour moi c’est vraiment important que nous soyons représentées et que nous puissions faire entendre nos voix.

C’est de plus très enrichissant de pouvoir échanger avec d’autres agricultrices, de partager nos expériences, puisque l’on est parfois un peu isolées dans nos fermes, que nos collègues sont nos maris, on apprend énormément les unes des autres. Pour moi, c’est indispensable de faire partie d’une organisation professionnelle !

Par contre, même si j’ai toujours baigné dans l’agriculture, comme je ne suis agricultrice que depuis trois ans, je m’y implique doucement et préfère, pour le moment, rester en retrait en termes de responsabilités et regarder comment les choses évoluent. Mais pourquoi pas plus tard, m’investir davantage dans les prises de décisions.

Quelles ont été les avancées sociales les plus marquantes selon vous obtenues par votre organisation au cours des 50 dernières années ?

MA : L’Union des Coopératives des Femmes Agricultrices (UCOOFEA) existe depuis une vingtaine d’années ; elle est active en Province du Nord-Kivu à travers deux Territoires (Beni et Lubero). Au cours de cette période, des avancées significatives ont été notées sur le plan social, notamment le développement du leadership de la femme paysanne, la solidarité entre couches paysannes à travers l’initiation des dynamiques comme les AVEC (Associations Villageoises d’Epargne et de Crédit) et les MUSO (Mutuelles de Solidarité) en vue d’appuyer les activités à caractère agricole des petits producteurs même ceux ne faisant pas membres de l’UCOOFEA. A cela nous ajoutons une meilleure satisfaction des besoins fondamentaux (éducation, santé, alimentation, ...), une réduction des inégalités, de l’oisiveté, … dans le chef des couches paysannes.

J’espère qu’il y a vraiment du positif dans tout ce qui a été réalisé bien que les 10 dernières années ont été émaillées par des incursions des rebelles et autres dévastateurs qui ont négativement touché le bon déroulement des activités dans les deux Territoires couverts par l’UCOOFEA.

Il y a certaines d’entre nous qui sont en train d’accéder à des postes de responsabilité au sein de leurs entités en plus d’autres structures de la place. En Territoire de Lubero, par exemple, la chargée du Genre est membre de l’UCOOFEA, d’autres sont alphabétiseuses et la Présidente actuelle de la LOFEPACO est membre de notre Organisation. Cela prouve que le leadership a tenu bien qu’il y ait encore des choses à renforcer.

D : Si je dois en retenir une c’est clairement la reconnaissance du statut des agricultrices : on est passé de « rien du tout » à un statut vraiment reconnu, officiel, qui nous donne des droits, une reconnaissance dans nos fermes, ainsi qu’une reconnaissance sociale et sociétale. C’est pour moi une formidable avancée, un pas de géant !

Je préfère vraiment être agricultrice aujourd’hui plutôt qu’il y a 50 ans… Je participe pleinement à la prise de décisions sur notre exploitation, on se sent impliquée, c’est un job, ce n’est pas juste un coup de main que l’on donne à son mari. On a des responsabilités et c’est beaucoup plus enrichissant !

Comment jonglez-vous entre vos rôles d’agricultrice, de femme, d’épouse et de maman ?

MA : J’ai déjà fait la répartition de chacun d’entre ces aspects ; j’essaye de maintenir l’équilibre pour que mes activités contribuent au développement de ma famille et que cette dernière contribue au développement de ma famille. Pour preuve, le genre est au bon fixe dans mon ménage vu que tout le monde s’investit dans les activités agricoles de la préparation de l’exploitation à la récolte voire dans les activités post-récolte.

D : Comme toute femme qui travaille à temps plein et qui a une vie de famille ! le mot phare, c’est organisation, tout simplement… Il y a moyen de tout goupiller, mais il faut avoir une organisation au top !

Comment envisagez-vous l’agriculture familiale et le rôle/la position des agricultrices dans 10-15 ans ?

MA : Dans 10-15 ans, l’agriculture familiale sera le seul mode auquel tout le monde pourra recourir vu les résultats qu’elle produit actuellement. Les hommes et le reste du ménage commencent à s’y intégrer bien que plus de 60 à 70% de travaux agricoles reposent encore sur la femme.

Besoin donc de multiplier les centres de recherche et boutiques d’intrants dans les zones de production pour que l’agriculture familiale produise des effets qui pourront soulager tant de sacrifices surtout de la part de la femme agricultrice qui en est actrice principale.

D : La conjoncture mondiale actuelle fait que l’on est relativement pessimistes sur l’avenir de l’agriculture en Europe et peut-être aussi plus particulièrement en Wallonie… En tout cas, il va falloir que l’on revoie le modèle agricole d’ici quelques années… Je pense qu’il va vraiment falloir se focaliser sur le local, sur l’autonomie des fermes et développer une agriculture de niche.

Et vis-à-vis de cela, l’agricultrice va avoir un rôle primordial parce que si on se focalise sur le local et donc la communication, le feeling avec les gens va être important, et l’agricultrice avec sa sensibilité aura un rôle prépondérant à jouer pour faire valoir les atouts de cette agriculture locale.

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