Le premier portrait est tout d’abord une rencontre, un coup de cœur, lors de la journée du Monde Rural à Louvain la Neuve l’année passée, un rire, un sourire et une voix qui nous dit : « Bonjour, je m’appelle Delphine ! ». Nous faisons ainsi la connaissance d’une jeune fille qui a un rêve : servir de lien entre le consommateur et le monde des producteurs… une jeune fille qui, ébahie, entend les gens à son étale confondre le poireau et la courgette, une jeune fille qui se dit que le lien avec la nature est en train de se dissoudre et qu’il est temps de bouger….

Voici l’histoire de Delphine de Sauvage, une jeune brabançonne de 25 ans, bio ingénieur sortie fraichement de l’UCL et qui a créé son entreprise « Eat’s local ».

Eat’s Local , un concept innovant a vu le jour : Quand, Pourquoi, choix du nom ?

L’idée de Eat’s Local a germé en janvier 2019. Après des études de bioingénieur j’étais à la recherche d’un travail porteur de sens et je sentais qu’il y avait une réelle coupure entre le monde agricole et les consommateurs urbains ou périurbains. Je ne viens malheureusement pas d’une famille d'agriculteurs mais de part mes études j’ai toujours été très sensibilisée par les difficultés des producteurs et je suis profondément choquée quand je vois la provenance des produits de supermarché. A la base, c’était un peu sur un coup de tête que j’ai pensé à faire le lien et à regrouper les différents producteurs de la région. A ce moment-là, j’étais dans plusieurs processus d’entretien mais je me suis dit que c’était le moment pour lancer quelque chose.

Eat’s Local a officiellement vu le jour le 1er mai 2019, d’abord grâce à une couveuse d’entreprise (Azimut) et de manière totalement indépendante depuis le 1er janvier 2020. Concernant le nom, je souhaitais allier les produits locaux et l’alimentaire bien sûr, mais je voulais aussi que ça soit passe partout, que ça puisse toucher la Flandre (un jour !) et que ça soit jeune et dynamique. Le jeu de mot est alors venu comme une évidence.

Comment as-tu débuté l’aventure ? As-tu pu bénéficier d’aides quelconques pour te lancer ?

J’ai débuté l’aventure grâce à Azimut, un genre de couveuse d’entreprise qui prête son numéro de TVA et son comptable en échange de 10% sur la marge brute. Tous les demandeurs d’emploi ont droit à ce genre de structure, et si on bénéficie des allocations de chômage ça permet de les garder pendant quelques mois (ce qui n’était pas mon cas). J’ai investi 150€ pour le template de mon site internet, le reste a été « fait maison ». J’ai également fait beaucoup de formations (Innov2Go au CEI, Alimentation Durable au Credal, MVP lab chez Engine) et j’ai été coachée par le CEI de LLN. Actuellement, je suis dans l’incubateur ID2Food de Cap Innove et j’ai fait une demande de bourse AIRBAG (12.500€) pour l’installation en tant que jeune indépendant. Les structures d’accompagnement ne manquent pas, les formations non plus. Pour les aides financières, c’est encore autre chose.

Comment as-tu démarché les producteurs ?

Je suis simplement allée les voir pour leur parler de mon projet. En général, ils étaient super motivés et partants pour faire partie de ce réseau de producteurs mais chacun a des contraintes différentes en terme de logistique et de production. Le but est de satisfaire au mieux le consommateur et les producteurs. Le délai entre la commande et la livraison doit donc être le plus court possible, ce qui n’est pas toujours facile pour certaines productions. J’ai aussi essayé de ne pas mettre les producteurs en compétition avec les mêmes produits.

Quels types de productions ?

Actuellement, sur le site d’Eat’s Local on retrouve des fruits (pommes, poires actuellement et fruits rouges ainsi que raisins en saison) et tous les légumes de saison. Il y a également une gamme d’épicerie salée avec des pâtes artisanales, de la farine, des huiles de colza, des sauces tomates, du pâté de poulet plein air, des tapenades et tartinades de légumes. Ensuite il y a une gamme d’épicerie salée avec du chocolat, des confitures, des pâtes à tartiner, des cookies, du muesli, du granola etc. Il y a des boissons (jus de fruits, sodas artisanaux, café torréfié chez nous, tisanes, bières locales et vin du Domain du Chapitre).

Depuis peu, nous avons également rajouté des cosmétiques fabriqués à la main (savons et shampoings solides, dentifrice, déodorant, crème hydratante) ainsi des que produits d’entretien fabriqués en Wallonie et respectueux de l’environnement. Il n’y a donc pas encore de produits réfrigérés pour une question de logistique et de chaine du froid, mais ça arrive car on manque cruellement de produits laitiers et de viande.

Tous les produits secs sont stockés mais pour les produits frais (fruits, légumes, oeufs) nous travaillons en flux tendu et allons chercher ce dont on a besoin le jour des livraisons. C’est donc ultra frais !

Comment te fais-tu connaitre ? par un FaceBook ? un site ?

Les réseaux sociaux ont énormément aidé au lancement de « Eat’s Local ». Très vite, il y a eu beaucoup de monde sur la page FB et ça a poussé à lancer le projet assez vite. Le site internet est assez bien référencé, ce qui aide. Nous avons aussi mis des flyers un peu partout et participé à beaucoup d’évènements.

Concrètement, comment cela fonctionne-t-il ? Pour les clients, et pour les producteurs qui voudraient faire partie de Eat’s local

Pour les clients, ils passent commande en ligne et choisissent leur jour de livraison (mardi ou jeudi), soit pour une livraison à domicile (dans quelques communes seulement) soit pour un retrait dans un point dépôt (commerces locaux avec qui nous collaborons). Nous essayons de pousser à cette deuxième méthode pour faciliter la logistique. 

Pour les producteurs, il suffit simplement de me contacter, on voit ensemble si leurs produits sont intéressants à ajouter à la gamme, s’ils ne sont pas trop loin pour la logistique, s’il n’y a pas de compétition avec d’autres producteurs. Actuellement, on recherche activement un.e boulanger.e ! C’est extrêmement difficile de trouver quelqu’un qui fait du pain artisanal sans additifs. 

Et maintenant ? Quels sont des plans pour le futur ?

A la mois du mois, nous lançons un crowdfunding pour acheter une camionnette et ouvrir des points dépôts à Bruxelles. Il y a une énorme demande en ville pour des produits fermiers de qualité. Le but serait de couvrir une bonne partie du Brabant Wallon et de Bruxelles en terme de livraison et ensuite de répliquer le projet ailleurs. 

De toute cette aventure, qu’est-ce que tu retiens, qui t’a marqué ?

Je ne sais pas exactement où me mène cette aventure mais ce qui est certain c’est que c’est passionnant !

Le monde agricole est très chaleureux et je m’y sens bien.

Les producteurs et artisans sont tous des passionnés, qui travaillent pour faire des produits de qualité et qui se battent contre notre système pas toujours adapté. Vendre en circuit court, c’est bien, mais la logistique est vraiment compliquée.

Les producteurs portent déjà tellement de casquettes différentes que je trouve que s’occuper de livraisons en B2C n’est pas envisageable. Certains magasins à la ferme marchent très bien mais il faut être bien situé et que quelqu’un dans la ferme puisse s’en occuper.

Du côté des consommateurs, ils sont exigeants mais commencent à se rendre compte que c’est essentiel de manger local et puis, c’est tellement meilleur !

Enfin, entreprendre, c’est très excitant. On est maître de ce qu’on fait et on vit pour notre projet. On ne compte pas ses heures et surtout, on n’a pas l’impression de travailler !

Enfin, je suis persuadée que nous vivons dans une période charnière et que malgré les difficultés de prix, de marge, de normes, d’accès à la terre et d’agribashing le monde agricole a de beaux jours devant lui. Lentement mais surement les consommateurs se rendent compte qu’il est crucial de manger nos produits qui sont plus qualitatifs et qui soutiennent nos producteurs. Il est temps que ceux qui nous nourrissent soient rémunérés et considérés à leur juste valeur.

fb @Eat's Local

https://eatslocal.be/

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