Ce qui nous frappe quand on parle avec Elodie au téléphone, ce qui fut le cas pour cette rencontre, c’est sa voix, une voix qui est posée, à la fois calme, sereine et en même temps une voix qui nous dit, « je suis à ma place et j’en suis heureuse ».

Elodie est originaire de Lontzen et habite Thimister depuis 2012. Elle a 32 ans, est mariée à Raphaël et maman d’une petite Tiphaine de 2 ans et demi.

Elle a réussi à combiner toutes ses vies et toutes ses passions mais pour cela a dû également réorienter son parcours professionnel : un métier un peu hors du commun pour la gente féminine ... Quoique… Voici le parcours de Elodie, conductrice de camion.

 

Conductrice de camion laitier est un métier que tu avais envisagé de faire ?

Déjà enfant, le camion qui venait récolter le lait à la ferme de mes parents me fascinait. Dès que j'ai pu, j'ai accompagné le récolteur dans sa tournée jusqu'à la laiterie de Walhorn. Pomper le lait dans les tanks avec la canne, bouger le petit échantillon et le mettre au frais - tout cela m'émerveillait. Je savais que c'était ce que je voulais faire plus tard. Le transport en général et les gros véhicules m'ont toujours attiré. Je savais que la récolte de lait était une destinée pour moi. C'est d'ailleurs un rêve que j'ai réalisé durant neuf ans.

Quel a été ton parcours au sein de cette entreprise ?

J’ai commencé en 2011, chez Freddy LOCHT une société située à Remersdeal qui récoltait dans le pays de Herve pour la laiterie des Ardennes. En 2015, j'ai commencé à travailler chez X-L transport qui est situé à Jalhay. Nous récoltions le lait en Flandre et en Wallonie pour la laiterie de Walhorn et ensuite pour Arla. J’ai quitté cette entreprise fin mars 2020 pour réaliser un projet de longue date avec mon époux. 

Quel était le quotidien d’un chauffeur de camion de lait ?

Beaucoup diront « c’est facile, tu te promènes ».

Mais être une femme dans un métier d’homme n’était pas toujours évident, car il faut « prouver qu’on est capable » autant dans les fermes que dans les usines. Ce métier est non seulement dur mentalement mais aussi physiquement.

Physiquement, car c’est descendre et monter X fois par jours du camion, il faut tirer le tuyau de pompage et ensuite le remettre en place - sans enrouleurs automatiques bien sûr. Laver quotidiennement à la main à l’aide d’une brosse, tout le convoi. C'était une fierté de voir l’inox des cuves briller dans les rétroviseurs.

C’était compliqué mentalement, car le quotidien n’était pas toujours évident de poursuivre la récolte surtout en hiver lors des grosses gelées, les tombées de neige. Les routes et les accès aux fermes ne sont pas toujours bien dégagés - voir pas du tout ! De plus, le système de pompage n’aime pas le froid, il fallait être très vigilante en cette période. Il s'agit par ailleurs d'un métier à horaire variable, c’est nuit et jour ! Les vaches n’ont pas de bouton off ! Les fêtes passaient souvent en arrière-plan. Cependant la boîte de pralines ou le petit mot de l’agriculteur le jour de Pâques, de Noël ou autre, posés sur le tank à lait faisait toujours plaisir et faisait ressentir que j’avais de l’importance.

Quand on aime ce qu’on fait on oublie vite les points un peu négatifs du métier !  J’ai fait ce métier avec passion et cœur durant presque 10 ans. Aujourd'hui c'est moins la récolte qui me manque, mais plutôt le contact avec les agriculteurs. Ce sont eux qui ont le plus enrichi cette expérience.

Tu viens de changer, depuis peu, de situation, tu es maintenant indépendante et tu as ton propre camion mais en y regardant bien, tu as toujours un lien avec le domaine agricole…. Quel est ton rôle maintenant et pourquoi avoir changer ?

Depuis, le 1er janvier 2020, avec mon époux nous avons constitué une société « COSITRA SRL ». Raphaël s’occupe du côté construction et moi du côté transport. J’ai pris la décision de changer de direction car en tant que maman je ressentais le besoin d'être plus présente pour ma famille. Notre petite Tiphaine va bientôt rentrer à l’école et les horaires de récolte de lait ne sont pas vraiment compatibles avec ma vie de maman (jour, nuit, week-end, jours fériés).

Nous avons acquis en avril un nouveau tracteur routier pour tracter des conteneurs maritimes pour une société liégeoise, bien connue dans le domaine. Les conteneurs sont chargés principalement de produits laitiers qui sont sous formes de berlingots, poudres… et qui partent pour l’exportation à travers le monde.

Au final, je reste dans le domaine, c’est juste le lieu de chargement dans l’usine qui a changé. Ça me fait toujours chaud au cœur de voir passer les camions remorques de lait et de faire un petit signe amical au chauffeur. Je tracte aussi de temps à autres des semis de lait.

Qu’est ce qui te passionne le plus dans ton métier ?

Le transport en général, le fait d’acheminer une marchandise d’un point A à un point B me passionne tout particulièrement. J'apprécie le fait que la marchandise que je vais transporter va servir, aider, nourrir des gens… De plus, je parcours un grand nombre de kilomètres à bord de mon camion. Cela me permet de découvrir des endroits que je ne connaissais pas.

Quel a été ton moment le plus compliqué à gérer ?

Sans aucun doute les moments sur la neige. Quand le camion est bloqué ou qu’il a glissé dans un fossé et qu’il faut commencer à pelleter, mettre les chaînes, jeter du sel et cela en pleine nuit. Il ne faut pas trainer et dégager le camion, car il faut poursuivre à récolter pour que les tanks à lait soient vidés et lavés pour la prochaine traite. Il s'agit d'une situation difficile à gérer. Heureusement, en Belgique cela reste exceptionnel.

Quel est ton plus beau souvenir ?

Le contact avec les agriculteurs a été très enrichissant pour moi. Il y a bien évidemment des agriculteurs avec lesquels le courant passe mieux.

En lisant cette question, il y a une personne en particulier qui me vient à l'esprit.  Il s'agit d'un agriculteur de Dalhem qui rien qu’au son du moteur du camion savait que c’était moi. C'était un homme juste, bon et qui me donnait le sourire. J’appréciais les petites discussions avec lui. Malheureusement, il y a quelques années il a décidé de prendre un autre chemin.

Est-ce que cette situation de crise sanitaire (Covid 19) a changé ta façon de travailler ?

J’ai commencé à mon compte juste au début de la crise, mon véhicule était un des derniers à sortir de l’usine avant qu’ils ne la ferment. J’avais très peur, car lancer un véhicule sur la route demande des investissements importants. Cette crise ne m'a heureusement pas trop touché, car quand le marché européen fonctionnait au ralenti, le marché vers l'Asie reprenait. Il est certain que cette crise sanitaire ne laissera personne indemne.

Les mesures dans les usines sont plus strictes depuis cette crise - et c’est très bien ainsi. Les chauffeurs ne peuvent par exemple plus assister au chargement des marchandises et des bornes avec des gels hydroalcoolique sont entre autres mises à disposition des travailleurs.  

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