Par Marianne Streel, Présidente UAW

 

L’importance que peut avoir une loi sur les semences                                                               

Juste avant la foire de Libramont, je me suis rendue à Goma, Chef-lieu de la province du Nord-kivu en RDCongo, à un atelier régional sur l'amélioration de l'accès des agriculteurs familiaux et de leur OP dans la production de semences de qualité.

Cet atelier a été organisé par les organisations paysannes de la dynamique régionale des Grands Lacs (Rwanda, Burundi et RDCongo), en collaboration avec l'agriagence de la FWA, le Collectif Stratégie Alimentaire, Agricord et Paepard.

Après de nombreuses présentations, des constats et des défis ont été faits par les OP, par la recherche et par différents membres de la filière, nous avons pu tous ensemble, faire le point sur la situation et formuler des recommandations.

Plus de 80 % de la population de la région des Grands Lacs vit d'activités agricoles et plus de 90 % de leurs semences sont dites " paysannes". Ils se fournissent soit dans leur propre production, soit chez d'autres producteurs et sans vérification de la qualité de ces semences.

Après plus de 50 ans de travail des centres de recherches dans cette région, les semences certifiées ne sont présentés qu'à moins de 10 %...

Il me semble important qu'il y ait plus de connections et de collaboration entre la recherche et les producteurs.  L'amélioration des semences ne pourra passer que par une implication réelle de l'agriculture familiale dans la multiplication des semences de qualité. Les producteurs doivent avoir accès à ces semences de qualité.

L'information et la formation des producteurs-multiplicateurs a ici également toute son importance afin d'améliorer leurs techniques de production de semences.

Un cadre législatif qui reconnaît, encadre et accrédite ces semences paysannes doit également être élaboré.

Il en va et du développement de leur agriculture et du développement de leur pays.

Cette problématique fait partie des nombreux plaidoyers portés par les organisations paysannes.

Chez nous, 35 à 40% de nos semences sont des semences fermières.  Lors de la Foire de Libramont, un accord interprofessionnel concernant la redevance sur les semences fermières a été signé.

Afin d’être en conformité avec la législation européenne sur la protection des droits d’obtenteurs, tout agriculteur qui fait trier ses semences fermières à façon devra en plus du triage s’acquitter d’une redevance sur les variétés certifiées.  Le trieur prélèvera cette redevance pour compte d’ASSINSEL. 

L’agriculteur qui ne passe pas par un trieur devra se faire connaître via le site : www.semencesdeferme.be.  Cette redevance permettra à la recherche de continuer à apporter des progrès génétiques à nos variétés de céréales.

Dispositif d’intervention des organisations de producteurs 

Lors des trois derniers jours de mon séjour en République Démocratique du Congo (RDC), j’ai pu avec nos organisations de producteurs agricoles (OPA) partenaires assister à un séminaire très intéressant.  Ces journées ont été animées par le Collectif Stratégies Alimentaires.  Après la théorie, il nous a été demandé d’appliquer dans des exercices pratiques en plongeant dans le travail de nos organisations.  Tout d’abord nous nous sommes penchés sur ce qu’on entend par « dispositif d’intervention » : Toute organisation quelle qu’elle soit est conçue pour conduire des activités qui sont définies dans sa raison sociale, dans sa mission.  Ces activités nécessitent des moyens humains, lesquels auront, selon leurs fonctions, à remplir un certain nombre de tâches formant un processus plus ou moins complexe.  Ces processus répondent à un choix stratégique et s’organise au travers d’un dispositif d’intervention.

J’ai donc eu l’occasion de travailler sur le dispositif de l’Union des Agricultrices Wallonnes : la nature des membres, leur nombre, leur dispersion géographique, la situation du siège de l’OPA, le nombre de bureaux décentralisés, les objectifs et l’objet de l’OPA, (sur quoi, pourquoi, quand, avec quel financement on travaille), quels sont les intervenants au sein de l’OPA qui interviennent dans chaque action, quelle est la cible du dispositif d’intervention, (pour qui ?), Quelle est la localisation de nos actions ; comment se fait la sélection de la cible, en quoi l’action consiste-t-elle précisément, (procédures, processus, modus operandi), avec quels acteurs externes à notre OPA pouvons-nous collaborer ou être partenaire, comment structurer notre réseau avec nos partenaires.

Il est important pour chaque organisation de s’arrêter et de réfléchir à ces dispositifs d’interventions afin d’identifier nos contraintes et surtout nos voies d’améliorations dans notre fonctionnement.

Leçon de vie

Suite à cette semaine à Goma en République Démocratique du CONGO, Je tenais absolument à vous faire un petit compte-rendu de la visite que j'ai eu la chance de faire sur le terrain.  Apres le séminaire  « Semences » et celui sur « les dispositifs », j'ai pu grâce à la « Lofepaco » aller à la rencontre de productrices dans un village à 21 km de Goma.  Après une heure trente de voyage.  Et oui ! Ce sont des chemins remplis de nids de poules ; nous sommes, Benine, la présidente de la Lofepaco et moi, arrivées sur leur champs-école.

Dans cette région, la principale culture est celle de la pomme de terre.  Elles cultivent également l'oignon blanc et le rouge, le chou, la patate douce…  Ces femmes se réunissent une fois par semaine sur le champ-école de leur organisation professionnelle agricole.  Soit, elles habitent le village, soit, elles font jusqu'à une heure de marche pour s'y rendre.  Chacune a déjà chez elle, quelques ares, qu'elle cultive.  Elles se regroupent sur ce champ-école afin d'y être accompagnées par une agronome qui les forme.  Elles ont loué une prairie de 2 hectares, qu'elles ont réhabilitée en champ de culture. Elles m'ont annoncé qu'elles devaient le quitter en fin d'année et étaient à la recherche d'un nouveau champ pour l'année prochaine.  La location s'élève à 200 $ par an.  Une année civile compte deux saisons culturales.

Chacune des productrices détient 10 ares de ce champ. Elles le travaillent par groupe de 4 agricultrices. La production de ces 10 ares leur revenant à chacune personnellement.

Cette année ci, elles y ont planté des pommes de terre de consommation.  Elles n'avaient pas trouvé de plants fermiers sur le marché congolais et avaient été obligées de les acheter en Ouganda.  Ces plants n'étant pas certifiés, ils étaient malheureusement de mauvaise qualité. Le champ de pommes de terre est d'ailleurs atteint par des maladies.  La qualité et la quantité ne seraient dès lors pas au rendez-vous cette saison.  Après la visite du champ, ainsi que de la pépinière dans laquelle venaient de germer les semences de choux et oignons afin de préparer la saison suivante, nous avons eu la chance d'échanger assis en dessous d'un arbre tant au sujet de leur travail que de celui des agriculteurs belges.

L'accès à la terre en Belgique, la mécanisation, le coût de la main d'œuvre saisonnière, la transmission des exploitations et les règles successorales, le nombre d'enfants dans les familles belges, le revenu agricole, tous ces thèmes ont été abordés...  Après avoir répondu à toutes ces interrogations, qui faisaient magnifiquement le tour du sujet, j'ai pu également leur demander de m'expliquer leur situation.  Les mêmes sujets sont revenus sur la table.  Je leur ai également proposé de m'expliquer une journée type pour une productrice: elle se lève à 6 h. Si elle dispose de nourriture, elle se prépare un petit repas pour le champ. Elle s'y rend sans manger car la nourriture est rare. Elle commence le travail à 7 h.  Si elle a pu se constituer un casse-croûte, elle le mange vers 10h. Elle reprend le travail jusqu'à 13 h puis rentre chez elle.  En plus du travail aux champs, l'après-midi est consacrée aux tâches du ménage, préparation du repas du soir, et vente de la production.

Les enfants rentrent de l'école et après la tâche de l'eau qu'ils vont chercher aux sources, la soirée commence.  Les enfants se lavent, la famille prend son repas et vers 21 h ces femmes courageuses se couchent.

Leurs journées sont longues mais surtout très dures physiquement.  Les travaux se font à la machette pour le désherbage et à la houe pour le travail de la terre.  Le transport de leurs productions, de l'eau, du bois de chauffage, se fait sur la tête ou sur le dos.  Elles portent jusqu'à des charges de 50 kg et ceci sur des chemins en pente, glissants et étroits. Les enfants s'aident parfois, pour le transport, de trottinettes en bois.  Ces femmes sont des productrices qui, espèrent pouvoir avoir accès à des semences et des intrants de qualité, qui désirent améliorer leurs pratiques agricoles, leur qualité de travail et de vie.  Elles sont fières de leur travail et d'avoir pu envoyer leurs enfants à l'école qui pour certains d'entre eux ont obtenu des diplômes universitaires.  Une d'entre elles m'a dit  « Dites, en Belgique que notre vie est dure et que nous arrivons très difficilement à avoir un revenu,...  mais que grâce à la Lofepaco nous nous formons, nous améliorons nos compétences et nos pratiques agricoles.  Nous collaborons entre femmes, mais surtout nous apprenons à être responsables de notre destin, ce qui est très important."  Quelles belles rencontres et qu'elle belle leçon de vie !

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