« Agricultrices : coopérer pour se former, se conseiller, se soutenir » : telle était la thématique de la « journée des femmes », une table ronde co-organisée le 10 novembre dernier par l’Union des Agricultrices Wallonnes et son agriagence, le Collectif Stratégie Alimentaire (CSA). Cette journée avait lieu dans le cadre plus large du séminaire international « Conseil agricole : coopérer pour améliorer la résilience des exploitations » programmé par le CSA, l’UAW, la FWA et la FJA. L’UAW s’est ainsi penchée au cours de ce séminaire sur les dynamiques d’échange et de conseil pouvant être générées par les agricultrices. Outre notre organisation, ont également participé au débat, des membres de la commission des agricultrices du principal syndicat agricole français, la FNSEA, ainsi que plusieurs mouvements du Sud, tant féminins que mixtes, originaires du Sénégal et de la région des Grands Lacs. Signalons au passage que ce séminaire s’inscrivait dans le cadre du fil rouge de cette année « la collaboration/coopération, un champ de possibles ! », que nous organisions avec le soutien de l’Agence pour l’Entreprise et l’Innovation.

La défense d’une vision féminine de l’agriculture reste un enjeu important qui tient à cœur à l’UAW et qu’il lui semble crucial à partager avec ses pairs. Cette journée fut l’occasion d’échanger sur notre nécessité, en tant qu’agricultrices, de collaborer avec d’autres consœurs afin de répondre à nos besoins tant en formations, conseil ou soutien. Chaque organisation a pu faire part de ses expériences en la matière.

Jacqueline Cottiez, la Présidente de la Commission Nationale des Agricultrices de la FNSEA a tout d’abord rappelé que le nouveau Président national de son syndicat est une femme, elle a souligné que dès 1945, à la fin de la deuxième guerre mondiale, des pionnières se sont regroupées pour entre autres mettre en place des formations pour particulièrement toutes ces femmes qui se retrouvaient seules à la tête de leur exploitation, leur mari ayant été tué pendant la guerre. Cette phase se formalisait en 1957 par la création d’une commission nationale et de commissions départementales des femmes au sein de la FNSEA. Avec ces formations, les agricultrices purent ainsi acquérir et développer de nouvelles compétences, notamment en matière de gestion économique. Madame Cottiez a encore rappelé que grâce à ces compétences acquises, les femmes ont pu s’impliquer de manière plus poussée dans des chambres de l’agriculture ou dans la vie politique locale.

Dans le même temps, de nombreuses avancées furent enregistrées au niveau social sous la pression des agricultrices : un statut pour les femmes qui leur donnait reconnaissance sociale et économique ou la possibilité de cotiser pour s’ouvrir des droits à la retraite et à la couverture sociale.

Enfin, elle partagea deux expériences permettant d’améliorer la vie des agricultrices et des agriculteurs. Tout d’abord, un système d’aide aux agriculteurs en difficultés mis en place via les techniciens des Chambres de l’Agriculture qui agissent comme des veilleurs qui donnent l’alerte sur les situations problématiques. Un système dont la finalité est semblable au Groupe de Soutien de l’UAW mais dont le fonctionnement est, comme la souligna Marianne Streel, assez différent. Rappelons en effet que le Groupe de Soutien initié par l’UAW est composé d’agricultrices bénévoles et n’intervient que sur demande de l’agriculteur. Ensuite, Madame Cottiez cita un service de « droit au répit » donnant la possibilité aux agriculteurs et agricultrices de prendre un peu de recul (vacances par exemple), ce qui permet de prévenir le burnout.

Ce fut ensuite au tour des organisations du Sud de faire part de leur retour d’expérience. Yaye Mbayang Sow Toure et Vea Kavira Kaghoma, représentante respectivement de la FONGS (Fédération des Organisations Non-Gouvernementales du Sénégal) et de la LOFEPACO (Ligue des Organisations des Femmes Paysannes du Congo - RDC).

Fédération mixte dont 53% de femmes, la FONGS propose plusieurs types d’ateliers de renforcement à ses membres :

  • Capacités de base : l’analphabétisme est en effet encore très présent dans les campagnes sénégalaises et singulièrement auprès des femmes.
  • Leadership : via entre autres des formations en communication.

Comme le rappela Yaye Toure, et cela même si une femme a été élue à la présidence de la FONGS il y a plus de 20 ans, le poids des traditions, de la culture (plus que la religion insiste-t-elle) reste très profond. Les femmes n’ont ainsi pas accès au crédit sans garantie, ni à l’héritage foncier de leur père ou de leur mari.

Pour pallier ces problèmes, la FONGS travaille à l’émancipation des femmes. Elle a par exemple facilité l’acquisition de plusieurs ha par des groupes de femmes, renforçant de la sorte les compétences de délibération collective ou organisé des formations d’ordre financier. De même, elle vise à faire reconnaitre par les hommes l’importance du travail des femmes dans l’exploitation. Une tâche d’autant plus cruciale que l’agriculture au Sénégal reste essentiellement informelle et qu’il n’y a donc que très peu de droits ouverts à la caisse retraite ou à la mutuelle.

Ces différents points étaient partagés en grande partie par madame Kaghoma. La situation en République Démocratique du Congo est en effet assez similaire : poids des traditions, agriculture informelle, manque de reconnaissance du travail des femmes. Selon sa représentante, la LOFEPACO permet aux femmes congolaises de reprendre espoir et à s’engager dans les prises de décision. A ce titre, l’organisation paysanne a procédé à de nombreuses formations pour permettre aux agricultrices qui le désirent de s’engager comme leaders dans le mouvement : gestion de réunions, dynamique de groupe, gestion d’une organisation, lobbying.

Parallèlement à cela, l’organisation paysanne congolaise a mis en place des CERA (Cercles de Réflexion et d’Action) où les agricultrices peuvent échanger sur leurs bonnes pratiques mais également mettre en pratique ce qu’elles ont appris en formation « leadership ». Néanmoins, du propre aveu de Vea Kaghoma, il reste encore de nombreux freins et limites à ces CERA, notamment l’analphabétisme mais aussi l’insécurité endémique dans le pays.

Le dernier point que souleva Madame Kaghoma fut la création de la CECAFEP (Caisse d'Epargne et de Crédit pour la Femme Paysanne) qui permet aux femmes, via l’octroi de micro-crédits, d’entreprendre, de se lancer dans de nouvelles productions ou exploitations mais aussi d’acquérir des terres.

Au nom de l’UAW, Marianne Streel, a quant à elle rappelé que l’UAW est née il y a presque 50 ans de la volonté d’agricultrices désirant se rencontrer et échanger sur les problématiques liées au monde rural. Très vite, la question de la reconnaissance de leur travail sur l’exploitation est apparue. Marianne a donc engagé dans la discussion l’explication du statut social du conjoint-aidant, la cotitularité et la prise en compte comme unité de travail de la conjointe aidante cotitulaire dans le pilier I de la PAC. Elle a rappelé l’importance pour l’UAW de la formation continue, du rôle de l’organisation dans le conseil offert aux agricultrices ainsi que le fonctionnement du groupe de soutien de l’UAW.

Elle a mis en évidence que rien de tout cela ne serait possible sans la collaboration entre toutes nos agricultrices membres. Ensuite, les leaders paysans tant masculins que féminins ont terminé cette journée par un débat très intéressant concernant les thèmes abordés par chaque représentante. N’oublions pas que pour faire avancer la situation des femmes, il est important qu’elles se retrouvent, réfléchissent ensemble mais également soient accompagnées par les hommes !

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